Carnet de Louis Favreau
Chaire de recherche en développement des collectivités (CRDC)

Énergies fossiles au Québec : le combat écologique est désormais au coeur du développement des communautés

vendredi 5 juin 2015 par Louis Favreau

L’évolution très rapide du paysage énergétique québécois et mondial dans les dernières années nous force à repenser notre approche du développement des communautés. D’abord parce qu’un nombre considérable de communautés et la plupart des régions du Québec sont menacées par les énergies fossiles à une échelle jamais vue jusqu’à maintenant. Ensuite parce que le combat écologique qui est le leur aujourd’hui est devenu central pour l’avenir de la planète. Il questionne en fait le coeur même de notre modèle de société [1]. Ce combat doit être mis en perspective avec le billet que j’ai écrit en avril sur un projet de société qui n’est plus celui de la construction d’un État social de type social-démocrate, mais bien d’un État « social-écologique »

« Le Québec va-t-il devenir l’autoroute des énergies fossiles de l’Amérique du Nord ? »(Le Devoir, 9 mai 2015)

Le paysage énergétique du Québec est en train de changer radicalement : des milliers de communautés menacées par les énergies fossiles

Il y a bien sûr la pollution de l’air et la pollution sonore qui provoquent des problèmes de santé publique importants liés au transport tel que le rapporte une équipe de chercheurs de l’Université de Montréal. Dans ce cas ce sont les quartiers populaires - qui sont aussi les plus pauvres - de grands centres urbains comme Montréal qui écopent car leur environnement immédiat est fait d’autoroutes, d’industries et de voies ferrées (Marco Fortier, Le Devoir, 21 mai 2015). Vient ensuite les communautés visées par l’exploration du gaz de schiste dans la Vallée du Saint-Laurent (entre Saint-Hyacinthe et Lévis). Exploration terminée ! Non l’exploration du schiste n’est qu’une cellule dormante qui n’a jamais été abandonnée par les entreprises ayant tenté le coup dès 2010.

Mais ce n’est pas tout. Les pétrolières des sables bitumineux de l’Ouest canadien avancent à grands pas dans d’autres communautés avec le pipeline Énergie Est qui fera couler chaque jour 1,1 million de barils de pétrole sur une longueur de plus de 700 km traversant un nombre important de terres agricoles et 69 municipalités des deux rives du Saint-Laurent. Le pipeline traversera également de nombreuses rivières majeures du sud du Québec mettant en péril l’eau potable et franchira pas moins de 640 cours d’eau sur le territoire québécois (Shields dans Le Devoir du 14 mai dernier). Cinq jours plus tard, dans le même journal la journaliste Jeanne Corriveau nous apprenait que ce même pipeline, s’il déversait des produits pétroliers dans la rivière des Outaouais, pourrait priver d’eau potable une partie importante de la population de la région de Montréal. Elle nous rappelait qu’il n’y a pas si longtemps un déversement de produits pétroliers d’Enbridge avait eu lieu à Terrebonne en 2011. Le 9 mai, toujours dans Le Devoir nous apprenions qu’un autre projet nommé Énergie Saguenay prenait forme dans cette autre région du Québec en vue de construire un gazoduc et une usine de liquéfaction de gaz provenant de l’Ouest canadien qui serait exporté par la suite par bateaux méthaniers, le tout à 15 km à l’est de Chicoutimi. Ce qui faisait dire au député de Jonquière, Sylvain Gaudreault, responsable au Parti Québécois du dossier de l’environnement : « Allons-nous devenir l’autoroute des énergies fossiles de l’Amérique du Nord ? » (cité dans l’article). Le pétrole est en effet une drogue dure nous dit l’économiste Ianik Marcil dans l’introduction d’un ouvrage qui arrive à point nommé, Sortir le Québec du pétrole (Marcil, 2015 : 9-17).

Autre développement récent, le transport de pétrole par trains. 220 wagons chargés de brut albertain emprunteront chaque jour les voies du Canadien National (CN) passant par Montréal vers Saint-Bruno, puis Mont-Saint-Hilaire, Saint-Hyacinthe et Drummonville, en logeant l’autoroute 20, puis Lévis et plus loin en passant en plein coeur de Rivière-du-Loup, Trois-Pistoles et Rimouski (Le Devoir du 30 mai 2015). Pour mémoire, rappelons-nous la tragédie du Lac-Mégantic. Bref, exploration et exploitation de pétrole et de gaz de schiste, puis pipelines et transport du pétrole de l’Ouest par train ou par bateau, nous sommes toujours dans le pétrole le plus sale et le plus nocif pour la santé public et les écosystèmes des communautés de même que pour la planète toute entière.

Peut-on vaincre la fatalité ressentie face à l’immensité de la tâche ? Plusieurs mobilisations récentes dont celle du gaz de schiste ont tendance à démontrer que oui. Comme sociologue branché depuis 25 ans sur la question du développement des communautés [2], cette mobilisation suscitait un intérêt certain. Je me suis donc engagé dans une observation-terrain pendant les cinq dernières années à partir de mon nouvel ancrage résidentiel, Beloeil en Montérégie, à 35 kilomètres de Montréal.

1. La mobilisation pour un moratoire sur le gaz de schiste le long de la Vallée du Saint-Laurent

Comment le Québec des communautés est-il devenu le théâtre des nouveaux déploiements de l’industrie du gaz et du pétrole ? Nous prendrons l’exemple du gaz de schiste dans la Vallée du Saint-Laurent pour bien cerner ce parcours. En premier lieu, mentionnons que depuis plus ou moins 2005 aux États-Unis, le gaz de schiste a pris son envol en misant sur l’exploitation, en moins d’une décennie, de 500,000 puits répartis dans 37 États. Il est devenu pour l’industrie gazière et pétrolière nord-américaine un véritable eldorado stratégique. Et une garantie d’indépendance géopolitique en matière d’énergie pour les États-Unis notamment par rapport au Moyen-Orient. C’est dans ce contexte que le Québec est devenu l’objet d’un intérêt certain de la part de multinationales.

On aura compris que le Québec n’était pas à l’abri. C’est ce que nous avons pu déceler autour du scénario politico-économique de l’exploration du gaz de schiste au Québec fort bien décrit d’ailleurs par les journalistes Foisy et McEvoy (2011). Plan d’action initial des gazières et pétrolières au Québec : jusqu’à 20 000 puits sur 10 ans dans des centaines de communautés menaçant du coup 16 000 terres agricoles. Face à cela un contre-plan des communautés concernées s’est construit : le gaz de schiste ne passera pas ! Mise en perspective d’une action collective qui aura pris de court l’industrie gazière et pétrolière.

1.1. La première phase de la mobilisation : face au grand débarquement, un grand démarrage (2010-2012)

Pavillon Jordi-Bonet, Mont-Saint-Hilaire, 10 septembre 2011. Je suis donc en Montérégie, à 40 kilomètres de Montréal, au cœur de la mobilisation citoyenne pour un moratoire sur le gaz de schiste, mobilisation qui fait la manchette depuis un peu moins de deux ans. Cette fois, la rencontre n’est ni pour entendre les porte-parole des gazières et des minières mijoter leur acceptabilité sociale, ni pour organiser la mobilisation pour consolider la contestation mais bien pour opérer une première réflexion sur les alternatives au gaz de schiste.

En ce beau samedi de septembre, plus de 125 personnes se sont déplacées une journée entière au centre communautaire de la municipalité à l’invitation des regroupements citoyens du secteur (Otterburn Park et Mont-Saint-Hilaire). La salle est gracieusement offerte par le maire de l’endroit, partisan du moratoire sur le gaz de schiste autant par conviction personnelle que par souci d’un développement durable de cette municipalité de 18,000 résidents située à flanc de montagne près de la rivière Richelieu, laquelle depuis quelques années, a pris le virage vert (prix d’excellence du Québec en développement durable et en environnement en 2008).

Pour rappel, signalons l’assemblée citoyenne déterminante à Saint-Marc-sur-le-Richelieu en début d’automne 2010 suite aux désormais fameuses rencontres de l’Association des minières et gazières du Québec dans la région notamment la dernière à Saint-Hyacinthe à l’été 2010, celle qui fit perdre à Alain Caillé son poste de président. Il avait quitté la salle sans s’excuser personnellement. Nous étions 700 personnes. L’assemblée de Saint-Marc sera aussi le coup d’envoi d’un regroupement interrégional de 43 groupes pour toute la Vallée du Saint-Laurent, regroupement qui se met en place en quelques mois. Résultat en bout de piste : l’obtention d’audiences du BAPE et un quasi-moratoire. Point culminant de ce résultat : une manifestation à Montréal le 18 juin évaluée à 7,000 personnes pour les uns et pour d’autres à 10,000. Sans compter, en cours d’année, la mobilisation de 150 scientifiques mobilisés sur cette question (géologues, biologistes, économistes, sociologues...).

Pour revenir à la rencontre du 10 septembre, le menu de la journée est le suivant : les alternatives en matière de transport, l’éolien, la bio-méthanisation, le solaire, la géothermie. Deux interventions remarquées en matinée, celles de l’ingénieur-géologue Marc Durand et du sociologue Robert Laplante de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC).

Le premier, professeur à la retraite de l’UQAM, nous fait une démonstration : 20,000 puits le long de la Vallée du Saint-Laurent en perspective, tel est le plan des multinationales engagées dans ce dossier. 20,000 puits qui vont libérer du méthane même quand les puits seront fermés. Talon d’Achille : les failles. 20,000 puits abandonnés avec la corrosion qui s’annonce et donc la migration du méthane qu’elle induit, sans compter les défauts de fabrication des ouvrages toujours possibles, font de ces puits une expérimentation à grande échelle. Et de conclure : ce serait une opportunité certes mais une opportunité de type farwest ! Parce que les entreprises ne sont capables de tirer de leur forage que 20% du gaz enfoui. Le 80% restant est une bombe à retardement car des émissions fugitives sont à redouter. Le méthane s’écoulera peu à peu parce qu’une partie de ce roc est perméable et que 20,000 forages l’auront rendu encore plus perméable. Quand on sait que ce gaz est 25 fois plus nocif que le CO2 lorsque relâché dans l’atmosphère ! Or, jusqu’à maintenant du moins, les entreprises ne sont contraintes à la restauration qu’en surface. Mais l’essentiel n’est pas là : déjà, 19 forages sur 29 relâchent du gaz dans l’atmosphère. C’est à géométrie variable mais il y en a au moins deux à court terme, à Leclercville et à La Présentation qui auront nécessité des restaurations immédiates. C’est donc très mal parti !

Le second est directeur l’IREC. D’entrée de jeu, Robert Laplante nous dit que les alternatives aux énergies fossiles ne manquent pas au Québec qui est une société très bien positionnée pour faire un choix géopolitique semblable à celui de la Suède puisque nous sommes déjà en mode d’énergies renouvelables à 50% (38% par l’hydro-électricité, 12% par la biomasse). Notre indépendance énergétique peut aller encore plus loin si on adopte une stratégie offensive de transport collectif à l’échelle de tout le territoire. Scénario plausible : un monorail qui relie Montréal aux huit capitales régionales à partir des autoroutes existantes. Donc rien n’est à exproprier (ni les ménages, ni les terres agricoles). L’acceptabilité sociale d’un bout à l’autre du Québec est pratiquement sans problème majeur. De plus le Québec est un producteur de matériel de transport collectif. Coût de cette grappe industrielle : $7 milliards et 50,000 emplois à la carte. On imagine aussi la force que procurerait les échanges interrégionaux.

Dans l’après-midi, exposés et discussions ont une approche plus micro. Les participants auront surtout retenu la contribution d’un autre ingénieur, Claude Gauthier, président de la Fondation jeunesse du Richelieu, qui nous fait le récit de l’expérience de mise sur pied d’un centre d’interprétation des énergies renouvelables dans une cour d’école de la municipalité de Richelieu, une véritable prise en charge par les parents et l’ensemble de la communauté. Un petit bijou d’éducation au développement durable des élèves : 4000 élèves ont visité ce centre dans les deux dernières années. Petit bijou également de mobilisation citoyenne écologique dans une communauté. On aura aussi retenu de cette journée l’expérience de trois MRC de la région en Montérégie-Est qui gère la matière résiduelle par la bio-méthanisation. Le biogaz, énergie verte, peut être, à l’exemple de la Suède, une alternative au pétrole, si nous en venions à le produire à plus grande échelle pour alimenter taxis, autobus et camions.

Bref, une rencontre fort instructive et stimulante. Cette rencontre aura servi à démontrer qu’il est possible pour un mouvement de contestation locale/régionale de faire bouger les lignes d’un gouvernement soumis aux pressions d’une association gazière et pétrolière mais également de ne pas se centrer uniquement sur une stratégie du refus, de réfléchir en termes d’alternatives ici et maintenant. Plus ces dernières progresseront, plus la preuve sera faite qu’au Québec un moratoire sur le gaz de schiste ne suffit pas, qu’il ne convient même pas de l’exploiter sachant que notre indépendance énergétique peut, réalistement, passer par les énergies renouvelables. Comme le disait un agriculteur albertain au journaliste du journal Le coopérateur agricole (bulletin de la Fédérée) qui faisait enquête cet été là sur ce dossier : « Avez-vous vraiment besoin de cette énergie ? ». Source : Louis Favreau, couverture de presse pour le blogue Oikos, septembre 2011.

Éléments d’analyse de cette première phase : le Québec détourné des énergies renouvelables par le gaz de schiste

Que concluaient les groupes mobilisés au terme de cette lutte dans sa première étape ? Qu’il fallait aller du coté des énergies renouvelables. Or le gouvernement avait commencé à miser sur les énergies renouvelables et avec lui des municipalités et des organisations coopératives et communautaires comme alternative au pétrole. Mais voilà que le gaz de schiste, bien qu’étant une énergie fossile, a soudainement surgi en opérant un véritable détournement des efforts vers le « renouvelable ».

Cette bataille contre le gaz de schiste a néanmoins été marquée par une importante victoire. D’abord par l’accord du gouvernement pour un moratoire en 2012. Ensuite parce qu’il sera suivi de deux sérieux revers de la filière du gaz de schiste : 1) fin 2014 le BAPE conclue que le développement de cette industrie serait non rentable, risqué pour l’environnement, et que l’acceptabilités sociale est loin d’être acquise (Shields, 16 décembre 2014, Le Devoir) ; 2) la Régie de l’énergie considère que ces ressources que sont le gaz de schiste ou le gaz naturel ne peuvent être considérées comme des options d’approvisionnement fiables à l’horizon 2030 (Rettino-Parazelli, Le Devoir du 8 janvier 2015). Ce résultat est directement lié à un solide consensus construit dans les communautés concernées. Même l’UPA, organisation déterminante dans un tel rapport de force, s’est finalement réveillée à temps grâce à cette mobilisation citoyenne selon ce que nous apprenait son journal La Terre de chez nous du 8 décembre 2011 en faisant état du débat du congrès. Les 420 délégués ont en effet demandé à leur direction de changer de cap et ont unanimement résolu « de mettre fin aux négociations avec l’Association pétrolière et gazière du Québec tout en priant Québec de relier le développement de cette filière à son acceptation environnementale et sociale » (p.12).

1.2. Seconde phase de la mobilisation. Face au changement de conjoncture, la lutte sur l’ensemble de la filière des hydrocarbures prend forme (2013-2015)

Au coeur de cette lutte, un regroupement, le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ) réussit dès la première phase à fédérer une centaine de comités de citoyens ou de comités de vigilance représentant autant de municipalités ou de groupes de municipalités. Ces comités réclamaient un moratoire sur le gaz de schiste au Québec. Mais une fois celui-ci obtenu, la conjoncture va devenir plus complexe car l’industrie pétrolière et gazière va commencer à se déployer de façon plus visible sur plusieurs fronts à la fois au Canada comme au Québec. Voici comment le RVHQ présente leur tournant :

Soucieux de préserver leur environnement et de protéger leurs approvisionnements en eau, des citoyens de plusieurs régions ont formé des comités pour s’opposer à ces projets destructeurs. Afin d’accroître leur impact et l’efficacité de leur action, ces comités se sont fédérés au sein d’un regroupement, le RVHQ, qui a organisé une vaste campagne d’information intitulée Vous n’entrerez pas chez nous ! Au moyen d’événements divers, de manifestations, de conférences et d’une vaste campagne de porte à porte, les bénévoles ont convaincu, en 2012, plus de 37 125 de leurs concitoyens de signer un formulaire de refus d’accès à leur propriété adressé aux sociétés titulaires des concessions pétrolières et gazières visant leurs terres. Ces formulaires ont été transmis à ces sociétés et déposés à l’Assemblée nationale la même année. La campagne de porte à porte s’est poursuivie en 2013...

... Après s’être informées auprès de sources fiables et impartiales, les personnes mobilisées en sont venues à la conclusion que l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste par la technique de la fracturation ne respecte pas le principe élémentaire de précaution, et que la précipitation avec laquelle les promoteurs veulent exploiter ces hydrocarbures met l’environnement et l’avenir des générations futures en danger.

C’est le RVHQ qui est à l’origine du règlement dit de Saint-Bonaventure sur la protection des sources d’eau. Ce règlement, qui prescrit des distances séparatrices minimales entre les puits artésiens et les sources de contaminants, a servi de modèle aux règlements adoptés par plus de 70 municipalités, notamment par la Ville de Gaspé, pour mieux protéger leurs ressources en eau contre toute atteinte risquant de les contaminer....

Bref, dès 2013, l’évolution rapide de la conjoncture va nécessiter des modifications majeures à l’orientation fondamentale du Regroupement :

....depuis 2009, la chute du prix du gaz naturel par suite de la multiplication des forages aux États-Unis a lourdement affecté, sinon annihilé, la rentabilité des opérations d’extraction par fracturation. Au Québec, les sociétés gazières ont donc plus ou moins abandonné la filière gaz pour se tourner vers celle du pétrole de schiste.

Par ailleurs, les grandes sociétés pétrolières de l’Ouest, qui veulent tripler leur production de pétrole issu des sables bitumineux d’ici 2030, cherchent à tout prix à développer leurs marchés étrangers. Activement soutenues par l’actuel gouvernement du Canada et bénéficiant depuis plusieurs années de l’appui tacite des gouvernements du Québec, elles prévoient donc construire des milliers de kilomètres de pipelines et inverser le flux du transport dans certains autres oléoducs pour acheminer leur pétrole vers les côtes du pays, malgré l’absence d’acceptabilité sociale et les risques environnementaux confirmés de leurs projets. D’autre part, le transport par rail des produits pétroliers a augmenté de 28 000 % depuis cinq ans, avec les risques inévitables que cela comporte et, trop souvent, des conséquences dramatiques, comme on l’a vu à Lac-Mégantic.

Prenant acte de cette évolution, lors de son assemblée générale de septembre 2013, le Regroupement a donc décidé, par une vaste majorité, d’élargir son mandat et d’exercer dorénavant une vigilance accrue sur l’ensemble de la filière hydrocarbures, en pleine explosion au Québec. Des membres de certains comités, davantage préoccupés par l’urgence de faire adopter un moratoire interdisant l’exploitation du gaz de schiste sur leurs territoires, ont décidé de créer une autre organisation, le Collectif Moratoire Alternatives Vigilance Intervention (CMAVI) [3]...

Le RVHQ compte maintenant dans ses rangs des comités provenant d’une dizaine de régions administratives du Québec. Des comités de citoyens opposés à la construction du pipeline TransCanada se rallient également au regroupement. Ainsi, toutes les filières de cette industrie feront face à une opposition bien structurée et organisée.

Notre objectif final est d’informer et de sensibiliser la population face au défi le plus grand auquel l’humanité ait jamais été confrontée : les changements climatiques. Nos actions visent à faire prendre conscience à la population que tous ces projets pétroliers et gaziers ne font que retarder l’incontournable virage vers une économie verte... que nous devons impérativement amorcer. Source : la direction du RVHQ sur son site https://www.rvhq.ca/

Éléments d’analyse de la seconde phase : un tournant d’ordre stratégique

Retenons d’abord de cette mobilisation qu’elle a misé sur l’organisation d’une revendication écologique, la défense du droit des communautés à contrôler leurs ressources, la création rapide d’alliances entre comités de citoyens de régions différentes et finalement sur la mise à contribution de groupes écologiques (l’AQLPA en tête) et de municipalités relativement progressistes en termes de développement durable (Bélisle, 2015 : 137 à 159).

Retenons également qu’une autre mobilisation s’est déployée à peu de choses près en même temps dans d’autres régions mais en évoluant en parallèle. Cette dernière misera sur un effort de transition écologique de l’économie de leurs communautés par des entreprises coopératives et/ou associatives, soutiendra la création d’emplois dans le cadre du développement d’énergies vertes, fera émerger des partenariats entre coopératives et institutions publiques locales favorisant le contrôle des ressources des communautés. Cette mobilisation a été portée dans les cinq dernières années par des coopératives en énergies renouvelables, des coopératives forestières et des coopératives agricoles. Pointe avancée de ces innovations coopératives et communautaires, la coopérative de production d’énergie éolienne Val-Eo au Saguenay. Les passerelles entre ces deux mouvements restent à créer. Les deux pourraient se rejoindre dans une action plus large et faire cause commune. Mais il s’agit là pour le moment d’une lutte commune rêvée plutôt qu’une action effective en voie de se réaliser dans un temps court. Cela pose la question d’une action politique à l’échelle du Québec sur l’enjeu énergie-climat.

Globalement, de ce récit, se dégage trois choses essentielles : soit l’émergence d’une exploitation d’énergies fossiles non conventionnelles, la mise à l’épreuve de notre démocratie et le plafonnement politique de nos gouvernements sur cet enjeu. Déplions un peu la chose.

2. Les nouvelles tendances économiques et politiques liées au développement des énergies au Québec et dans le monde

C’est aujourd’hui et maintenant que se prennent les décisions importantes qui vont conditionner le paquet énergétique des prochaines décennies au Québec. Ces décisions risquent fort pour l’instant de ne pas favoriser la transition écologique de notre économie. Face à cet enjeu, le Québec va-t-il miser sur l’exploitation d’énergies fossiles non conventionnelles (gaz de schiste, pétrole de schiste) et sa libre circulation par pipeline et par train comme le font les Américains au grand désarroi de milliers de leurs communautés ou bien va-t-il miser sur son État, ses communautés et ses régions pour investir dans les énergies renouvelables (l’hydroélectricité, l’éolien, le géothermique et le solaire) afin d’assurer son indépendance sur l’axe énergie-climat [4] ? C’est la question de fond qui a été posée notamment par la mobilisation contre le gaz de schiste dans la Vallée du Saint-Laurent à partir de 2010 et son extension par la suite à l’ensemble des hydrocarbures.

2.1. Les énergies fossiles : un peu de mise en perspective historique

Depuis la montée de l’exploitation des énergies fossiles au 19e siècle, le pétrole et ses semblables (le charbon) ont constitué les fondements de la révolution industrielle jusqu’à aujourd’hui. Mais le paysage global de la production de ce type d’énergie dans le monde a changé dans la dernière décennie avec la montée en puissance du gaz de schiste et la nouvelle position des États-Unis qui a atteint le sommet des grands producteurs mondiaux. Dans la géopolitique mondiale, les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial d’hydrocarbures avec l’Arabie saoudite.

En fait le paysage global est encore plus que jamais encombré. En effet, plus largement l’urgence écologique s’est imposée avec force dans plusieurs registres : le réchauffement climatique, une crise alimentaire et une crise énergétique se sont télescopés et se sont combinés à une crise financière que peu de monde avait vu venir. La prise de conscience de cette grande dérive écologique avec ses effets sur la réduction de la biodiversité, l’acidification des océans, la dégradation des forêts, la diminution des terres cultivables, la pénurie mondiale d’eau douce, les inondations et les sécheresse, s’est accélérée. Simultanément la fracture entre la création de richesses et le progrès social et écologique est devenue de plus en plus marquée (Favreau et Molina, 2011).

Désormais, il faut prendre acte que certaines transitions peuvent être fatales étant donné le croisement des échéances : l’échéance climatique liée au seuil de réchauffement de la planète, l’échéance énergétique liée à la gestion spéculative des ressources pétrolières et gazières et l’échéance alimentaire liée à la remise au marché de la fixation des prix qui montent en flèche. Aujourd’hui ce croisement des crises pourrait provoquer dans un avenir pas très éloigné un saut qualitatif vers le pire.

Or dans cet univers de l’énergie, nerf de la guerre de la croissance mais aussi du développement, si les certitudes ne sont pas légion, il y en a au moins une qui a fait son chemin jusqu’à nous depuis 1988 grâce au Groupe intergouvernemental d’études du climat (GIEC) : la réduction des gaz à effet de serre est un impératif catégorique pour lutter contre le réchauffement climatique. Obligation : le développement durable dans sa version 2015 passe par une incontournable transition de l’économie vers les énergies renouvelables.

2.2. Les énergies fossiles mettent aussi à l’épreuve les démocraties

De toutes les dérives signalées sur le projet économique de continuer ou non l’extraction, la transformation et l’utilisation des énergies fossiles, celle qui est le moins souvent mis de l’avant concerne la démocratie. Or le charbon comme le pétrole ont façonné nos sociétés et donc nos démocraties depuis deux siècles. Le charbon a contribué, bien malgré lui sans doute, à réduire les inégalités mais le second les a creusées. C’est la thèse développée par l’historien américain Thimothy Mitchell (2014). Dans le cas du charbon, il suffisait que les mineurs, les cheminots et les débardeurs, dit-il, fassent alliance pour imposer leurs revendications sociales à tout un pays, le charbon étant la seule source d’énergie. En disposant d’une nouvelle source d’énergie, le pétrole, le rapport de forces n’a plus été le même pour l’industrie face au mouvement ouvrier.

Sans nécessairement endosser cette thèse un peu trop déterministe, il n’en demeure pas moins qu’en sus du pétrole conventionnel, la tendance prévalente est à la prolifération, depuis plus ou moins deux décennies, de nouvelles sources d’énergies fossiles non conventionnelles (gaz de schiste, pétrole de schiste) et de nouveaux territoires d’exploitation (extraction off shore et dans les sables bitumineux). Ce qui a eu deux effets majeurs : 1) amener avec elle un énorme problème de transport pétrolier par rail et le développement inconsidéré de pipelines, véritable menace pour des milliers de communautés ; 2) la pression des lobbies du gaz et du pétrole a eu pour effet de détourner les gouvernements (locaux et nationaux) des alternatives qui montaient en matière d’énergies renouvelables. Le résultat global en a été l’affaiblissement de nos démocraties qui se sont vues capter, pour ne pas dire capturer, par la force sociopolitique des multinationales (le lobbyisme) qui est montée en puissance (George, 2014 ; Kempf, 2009).

2.3. La tendance au plafonnement politique sur cette question est généralisée dans le monde

Si techniquement les solutions pour assurer l’indépendance énergétique à l’égard des énergies fossiles sont là, politiquement c’est moins évident dans la mesure où les États mais aussi une bonne partie des populations demeurent peu décidées à limiter massivement les émissions de gaz à effet de serre pourtant déterminantes pour l’avenir de nos sociétés déjà forcées à s’adapter à des situations extrêmes que le réchauffement climatique impose comme les sécheresses, les inondations, de grandes tempêtes à répétitions en hiver, etc.

Ce qui pose problème, c’est la volonté politique des États et de la communauté internationale et son corollaire le poids des lobbys de l’industrie gazière et pétrolière qui freine cette démarche capitale de reconversion à une économie plus écologique. Le biologiste Claude Villeneuve dit à ce propos :

Nous sommes actuellement sur la pire des trajectoires. Et l’avenir des négociations internationales pour un accord post-2020 n’est pas rose. Les principaux blocages n’ont pas été levés à Varsovie, et l’accord anticipé à Paris en 2015 est encore très loin d’avoir des dents....Si vous croyez avoir vu le climat dans tous ses états, les décennies qui viennent vous réservent sans doute des surprises. Malheureusement, la science ne peut qu’apporter un éclairage à la prise de décision. Source : entrevue de Claude Villeneuve dans Découvrir (février 2014) et Villeneuve, 2013

.

Bref il y a une tendance au plafonnement politique à l’échelle nationale comme à l’échelle internationale sur cet enjeu. L’impératif écologique se présente comme un incontournable horizon politique dans ce début de 21e siècle mais 25 ans d’alarme du GIEC n’ont pas suffi. C’est que la nature est devenue un véritable champ de bataille tant la question écologique est investie par des dynamiques diverses en grande partie contradictoires (Keucheyan, 2014). Nous assistons certes à l’émergence d’une nouvelle dynamique de mouvements sociaux et de l’économie sociale et solidaire à savoir des coopératives dans l’éolien ou le solaire, des organisations de producteurs dans l’agriculture écologiquement intensive, des coopératives forestières pratiquant de l’aménagement durable des forêts et produisant de la biomasse, un projet de transport collectif interrégional tout électrique couvrant les principales régions du Québec... Et des communautés locales davantage vigilantes et résistantes. Mais nous voyons simultanément pointer l’entrée en force des lobbies des multinationales pour bloquer cette transition. Dernière offensive en ce sens, la contre-attaque des pétrolières face aux campagnes de « désinvestissement » des combustibles fossiles qui ont fait leur nid dans nombre d’universités, de villes et d’organisations à travers le monde (Rettino-Parazelli, Le Devoir, 7 mars 2014)).

En dernière instance, les gouvernements sous la pression de ces lobbies ne demandent pas grand-chose aux pétrolières tandis que la force de pression des mouvements demeure encore bien insuffisante. De plus, ces dernières années, la lutte s’est rapidement ouverte au Québec et au Canada sur plusieurs fronts à la fois (gaz de schiste, pétrole non-conventionnel, transport pétrolier par rail, développement de pipelines). La mobilisation à faire est devenue plus complexe et a nécessité des changements majeurs de stratégie au sein des organisations et des communautés concernées. C’est l’ouverture sur l’axe énergie-climat d’une action politique inédite des mouvements sociaux pris dans leur ensemble ensemble qui s’esquisse et qui s’impose. Un des derniers signaux en ce sens a été le Manifeste du Collectif Élan Global [5]

3. Le chantier d’une action politique propre aux mouvements sociaux sur l’axe énergie-climat

Les facteurs défavorables à la mobilisation et au changement d’échelle de la lutte sur l’axe énergie-climat

Il y a d’abord un certain aveuglement face au dérèglement climatique. En premier lieu, il y a le temps long de catastrophes annoncées mis en rapport avec le temps court des partis politiques et l’influence que des lobbies peuvent exercer sur les partis et les gouvernements. En second lieu, consommer moins d’énergies fossiles, surtout dans le secteur du transport qui est un point d’achoppement majeur, n’est pas encore très audible dans les classes moyennes et populaires de sociétés comme le Québec où l’automobile est roi depuis 50 ans. Nous sommes également en Amérique du Nord dans des sociétés de forte concurrence, ce qui n’est pas sans influencer également les mouvements sociaux dans lesquels bon nombre d’organisations font valoir la primauté de leurs intérêts catégoriels sur l’intérêt plus général (Langlois, 2015).

En outre, une des raisons peu invoquées de la relative indifférence à l’égard cette urgence écologique, réside dans la perte de liens que la majorité des populations des sociétés du Nord avec la nature depuis plusieurs siècles. Parce que la Terre a été progressivement inscrite dans une très forte logique capitaliste, industrielle et urbaine (exploitation des ressources natures par les minières, gazières et pétrolières ; agriculture industrielle à grande échelle ; industrie du vêtement, etc.). La Terre est donc considérée principalement comme une source de profit (Hamilton, 2013 : 155-172).

Les facteurs de changement favorables

Le mouvement ouvrier du 20e siècle par ses luttes nous a appris que « si on ne se bat pas, la défaite est annoncée » c’est l’inertie et le défaitisme qui l’emportent. En revanche « si on se mobilise, la possibilité d’une victoire est là même si elle n’est pas assurée ». Y a-t-il des facteurs favorables ? Certains facteurs jouent en faveur d’une action de plus longue portée sur l’enjeu énergie-climat. D’abord il y a de plus en plus de communautés qui forcent les responsables politiques à différentes échelles à agir face aux dégradations de l’environnement et/ou aux menaces à la sécurité des personnes (transport pétrolier sur rail par exemple), tout particulièrement du côté des classes moyennes plus facilement mobilisables. Ensuite de plus en plus d’organisations font le lienentre la question sociale (santé, inégalités sociales) et le défi écologique. D’autre part le coût des énergies renouvelables, dans la plupart des sociétés sur la planète, a tendance à chuter et à devenir plus compétitif.

De même, de plus en plus d’entreprises sont forcées d’intégrer le risque climatique. Sans compter la pression d’investisseurs institutionnels qu’elles subissent (caisses de retraite de syndicats, communautés religieuses et fondations, universités et associations étudiantes, municipalités, etc.). Finalement de plus en plus de mouvements (syndicats, coopératives...) s’empressent aujourd’hui de développer une politique de développement durable en faisant valoir que l’écologie n’est pas l’ennemi de l’emploi (Favreau, 2015 ; Cahier spécial du Devoir, octobre 2014) [6]. À ce titre, mentionnons que les coopératives forestières et leur fédération l’ont très bien compris en prenant le virage de la biomasse. Il en va de même de certaines grandes coopératives agricoles comme Nutrinor (Favreau et Hébert, 2012 : 92-101).

L’amorce d’une nouvelle stratégie

Il y a là le début de quelque chose qui n’a pas cessé de progresser pendant toute la dernière décennie. À tâtons certes, mais sans perdre son élan initial. Il y a un inédit et un saut qualitatif : 1) le début d’un décloisonnement des luttes (jusque là très sectorielles ou très régionales) ; 2) un changement d’échelle (du local à l’international) ; 3) une urgence écologique de moins en moins séparée du questionnement de l’économie dominante. Bref, nous entrons dans l’ère de la transition écologique de l’économie (Bourque et alii, 2015 ; Favreau et Hébert, 2012).

La transition écologique de l’économie va cependant demander beaucoup en termes de volonté politique de nos gouvernements. C’est précisément ce qui rend urgent l’entrée en scène des mouvements sociaux sur ce plan. Car des investissements majeurs – écofiscalité oblige - seront nécessaires pour transformer nos infrastructures tels que le passage à la priorité du transport en commun ; une production énergétique qui mise d’abord sur les énergies renouvelables ; des bâtiments industriels, commerciaux, résidentiels assurant le maximum d’efficacité énergétique ; une agriculture et une foresterie écologiquement intensive, etc. Cela ne peut se faire que par une production globale verte en expansion adossée à une fiscalité écologique qui fournit des incitatifs en ce sens (Bourque, 2014). Le contraire de ce que les tenants des multinationales (celles du pétrole et du gaz notamment) avancent.

En d’autres termes, toutes les organisations (syndicales, écologiques, coopératives, communautaires et étudiantes) doivent converger et faire mouvement dans la construction d’un rapport de forces favorable à un modèle alternatif de développement autour de deux pôles :

  • S’assurer de développer massivement des filières durables comme celle des énergies renouvelables (éolien, solaire, géothermique) ; comme celle de l’agriculture écologiquement intensive à grande échelle (pas seulement au niveau micro) et de la transformation des produits agricoles ici même ; comme celle de la biomasse de 2e génération pour alimenter le chauffage des établissements publics ; comme celle de la biométhanisation (biogaz à partir de nos déchets domestiques pour remplacer le pétrole des véhicules mobilisés par le service public) ; comme celui de l’aménagement durable des forêts sous gestion de coopératives ; comme celui du transport collectif par monorail électrique reliant Montréal, Québec et les principales villes régionales (Trois-Rivières, Saguenay, Sherbrooke…) tel que l’avance l’étude de faisabilité produite par l’Institut de recherche économique contemporaine (IREC).
  • S’assurer d’inciter, voire de forcer la décroissance dans d’autres filières comme celle du raffinage du pétrole (au bénéfice d’une filière industrielle de biométhanisation) ; en finir avec le mazout dans les bâtiments résidentiels et commerciaux ; maintenir le moratoire sur le gaz et le pétrole de schiste ; refuser de voir des minières s’alimenter au diesel plutôt qu’à l’électricité, etc.

Bref il y a là les lignes de force d’un nouveau projet de société qui place l’urgence écologique au coeur de son projet en se démarquant de plus en plus du « tout au marché ». À défaut de quoi plusieurs organisations resteront des spectateurs ou des gérants d’estrade de ce qui se passe dans l’espace public.

Ces réponses inédites de communautés locales comme celle sur le gaz de schiste ne suffiront pas à elles seules à faire avancer le dossier de l’urgence écologique. C’est toutefois en s’inspirant de ces luttes locales que se trace progressivement la voie d’une stratégie d’action politique générale et fédérative entre mouvements pour peser sur les politiques publiques afin de répondre à cette urgence écologique [7].

Tout cela invite donc à travailler prioritairement à opérer une transition écologique massive dans tous les domaines : agriculture, énergie, transport, industrie, habitat...Et en premier lieu sortir le Québec du pétrole. La perspective politique en bout de ligne est la suivante comme je l’écrivais dans unbillet précédent

« L’État social a été la véritable révolution économique du 20e siècle » nous dit l’économiste Christophe Ramaux (2012). C’est effectivement, dans l’après-guerre (1939-1945) que cette construction politique a pris forme dans un nombre important de pays d’Europe et en Amérique du Nord, construction qui doit beaucoup au plan économique à Keynes et au plan politique à Roosevelt et à tous les forces de la social-démocratie de ce monde soutenus par leur mouvement ouvrier. Toutefois il ne faut pas que nous restions collés sur cet héritage pour lequel le défi central du 21e siècle - qui est le défi écologique – demeure encore un point aveugle...

L’utopie mobilisatrice des dernières décennies est celle de l’écologie politique, l’utopie du 21e siècle. Quelque chose qui émerge et qui ressemble à ceci : un New Deal écologique et social comme il y a eu un New Deal social au 20e siècle fondé sur les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. Pour le 21e siècle, c’est le mouvement écologique qui est en train de devenir une force motrice de notre avenir à tous....

Références

  • Bélisle, A. (2015), Cinquante ans de caricatures en environnement, Éd. Écosociété en collaboration avec l’AQLPA, Montréal.
  • Bourque, G., L. Favreau et F. L’Italien (dir.) (2015), Transition énergétique, l’urgence d’agir. Revue Vie économique, vol.6, numéro 2, Montréal. http://www.eve.coop/?r=23
  • Cahier spécial du Devoir (2014), Les coopératives, fer de lance de l’économie verte, 2 octobre 2014 http://www.ledevoir.com/cahiers-speciaux/2014-10-02/cooperatives
  • Favreau, L. (2015), Transition écologique de l’économie, développement des communautés et solidarité internationale. Quelles priorités pour la prochaine décennie ? Cahier de la CRDC-UQO, série Conférences, no.16. Disponible gratuitement en page d’accueil du site de la CRDC : http://w3.uqo.ca/crdc/
  • Favreau L. et M. Hébert (2012), La transition écologique de l’économie. PUQ, Québec. http://puq.ca/catalogue/livres/transition-ecologique-economie-2414.html
  • Favreau, L. et E. Molina (2011), Économie et société. Pistes de sortie de crise. PUQ, Québec. http://www.puq.ca/catalogue/livres/economie-societe-2114.html
  • Foisy, P.-V. et J. McEvoy (2011), Le scandale du gaz de schiste, Éd. Partis Pris actuels, Montréal.
  • Gagnon, D. (2015), Syndicats et coopératives : quelles alliances au plan international ? CRDC, Université du Québec en Outaouais http://jupiter.uqo.ca/ries2001/carnet/spip.php?article102
  • George, S. (2014), `Les usurpateurs. Comment les entreprises transnationales prennent le pouvoir, Seuil , Paris.
  • Hamilton, C. (2013), Requiem pour l’espèce humaine, Ed, SciencesPo. Les Presses, Paris.
  • Kempf, H. (2009), Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Seuil, Paris.
  • Keucheyan, R. (2014), La nature est un champ de bataille, La Découverte, Paris.
  • Langlois, S. (2015), Une lutte, des intérêts divergents. Entrevue avec le sociologue Simon Langlois, Le Devoir, 14 février. http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/431840/une-lutte-des-interets-divergents
  • Laurent, É. (2014), Le bel avenir de l’État Providence, Éd. Les liens qui libèrent, Paris.
  • Lipietz, A. (2012), Green Deal. La crise du libéral-productivisme et la réponse écologiste. La Découverte, Paris.
  • Marcil, I. (2015) (dir.), Sortir le Québec du pétrole. Éditions Somme Toute, Montréal.
  • Mitchell, T. (2013), Carbon Democracy. Le pouvoir politique à l’heure du pétrole, La Découverte, Paris.
  • Ramaux, C. (2012), L’État social, pour sortir du chaos néolibéral. Fayard, Paris.
  • Villeneuve, C. (2013), Est-il trop tard ? Le point sur les changements climatiques. Éd. MultiMondes, Québec.

[1Ce billet prend son point d’ancrage dans un article paru dans le dernier numéro de la revue Vie Économique mais il a pris une autre allure et a été en grande partie modifié. Ce numéro de la revue porte sur une problématique économique et politique majeure, la transition énergétique de notre économie. Une dizaine de contributions de sociologues et d’économistes dans la foulée du RDV international organisé par la CRDC en octobre 2014 au Sommet international des coopératives. Articles accessibles en gratuitement à l’adresse suivante : http://www.eve.coop/?r=23.

[2Et avant cela comme organisateur communautaire dans la région de Montréal également pendant 25 ans. De façon plus spécifique avec le Centre de Formation populaire (CFP) et le Service d’animation de ce qui s’appelait à l’époque le Conseil des oeuvres devenu par la suite le Conseil de développement social. Pour ceux et celles que cela peut intéresser, voir le billet sur l’expérience du CFP : http://jupiter.uqo.ca/ries2001/carnet/spip.php?article55

[3Le CMAVI mène notamment sa lutte sur les 900 puits gaziers et pétroliers inactifs au Québec. https://cmavi.files.wordpress.com/2014/09/communiquc3a9-20-octobre-2014-partenariat-cmavi-aqlpa-mern.pdf

[4Les deux axes majeurs du défi écologique sont l’axe « énergie-climat » et l’axe « agriculture, alimentation et santé ». Bref qu’est-ce qu’on mange et quelle énergie utilise-t-on que ce soit à l’échelle locale, nationale ou internationale ? (Lipietz, 2012 : 111-140).

[5Je vous invite d’ailleurs à le signer. Plus de 25 000 personnes l’ont fait jusqu’à maintenant mais ce n’est pas suffisant. Il en faut 100 000 que nous disent les initiateurs de la démarche.

[6Dans cette foulée, mentionnons les récents travaux du CIRIEC à l’ACFAS en mai dernier : notamment les présentations de Cécile Pachocinski du CQCM portant sur le mouvement coopératif à l’heure de l’économie verte, de Colette Lebel et J-François Harel sur la politique de développement durable de la Coop fédérée et de J. Nolet sur la Coop Carbone.

[7Pour aller plus loin, voir le billet http://jupiter.uqo.ca/ries2001/carnet/spip.php?article65


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