
50 scientifiques créent un collectif de recherche sur la coopération internationale en soutien à Développement et Paix
50 scientifiques ont exprimé leur désaccord avec la nouvelle politique de coopération de D&P avec ses partenaires du Sud qui émerge dans l’organisation. Conséquemment, disons-nous, « nous exprimons notre volonté d’ouvrir un espace de travail plus large qui permettra à tous, chercheurs, dirigeants, professionnels, et animateurs de la solidarité internationale, de mieux cerner l’évolution en cours permettant ainsi de faire de meilleurs choix politiques et sociaux » [1] . Le texte envoyé aux médias n’a percé que dans Cyberpresse/Le Soleil. Nous le reproduisons dans ce carnet pour lui donner plus de visibilité. Tous les scientifiques qui veulent se joindre à nous et s’inscrire dans cette première démarche et possiblement dans d’autres qui suivront (projet de rencontre à l’automne), prière de nous le signaler à crdc@uqo.ca Cette lettre a été envoyée aux médias le 1er juin.
La nouvelle mais très conservatrice politique de coopération avec le Sud qui prend forme à Développement et Paix est inacceptable
Montréal, 21 juin 2011.
En matière de coopération internationale, aujourd’hui plus qu’hier, l’intervention qui s’inscrit dans une dynamique de développement des communautés au Sud, de plaidoyer et de soutien à des mouvements sociaux est de nature pluraliste. Elle est une intervention avec des partenaires de sensibilités sociales, politiques ou religieuses diverses dans l’objectif partagé de promouvoir la démocratie et la justice économique et sociale. Or ce travail et ces acquis, à Développement et Paix comme dans d’autres organisations de coopération internationale (OCI), sont gravement compromis par la montée au Canada d’un fort courant conservateur tant au plan politique que religieux.
En conséquence de quoi, nous avons jugé nécessaire d’unir nos efforts en vue de constituer un collectif de scientifiques de différents champs disciplinaires (sciences sociales, sciences économiques, sciences religieuses) travaillant sur diverses questions internationales dont celle de la coopération internationale. Nous sommes tous et toutes actifs en recherche et en formation sur ces questions dans nos universités de même qu’en tant qu’experts consultés par des institutions internationales, des mouvements ou des organisations de coopération internationale (OCI).
Habituellement réservés dans nos positions politiques, il nous est apparu nécessaire de joindre notre voix collective au débat en cours à Développement et Paix et d’exprimer clairement notre appui à ceux et celles qui, au sein de cette organisation, expriment leur désaccord avec la nouvelle politique qui émerge en son sein à savoir : a) la remise en question du travail dans la réciprocité de Développement et Paix avec ses 200 partenaires dans 30 pays du Sud, remise en question qui annonce dans l’avenir une prescription de requérir l’avis des évêques locaux ; b) la remise en question du caractère de mouvement démocratique de l’organisme au bénéfice d’une structure d’intervention et de contrôle direct de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) ; c) le choix de la haute direction de l’organisation de maintenir secret le débat en cours comme si Développement et Paix était un groupe privé et non une association présente dans l’espace public et bénéficiant de financements multiples provenant de la population québécoise et canadienne ; d) le refus de soutenir plus avant des partenaires qui ne partagent pas la « morale catholique ». La première organisation en liste qui en a été victime est le Centre de promotion des droits humains du Mexique dirigé par le jésuite L. Arriaga, organisation partenaire de longue date de Développement et Paix. Voir à ce propos le site http://soutenonsdetp.wordpress.com/.
Le regard critique que nous portons sur le projet de transformation de Développement et Paix participe de cette montée en puissance de la droite religieuse et/ou politique au Canada qui a coupé les vivres à de nombreuses associations (groupes de femmes, organisations de coopération internationale comme Kaïros, Droits et Démocratie, Alternatives…). Ce projet conservateur de transformation participe également de la montée en puissance d’un courant de droite dans l’Église catholique lequel participe lui-même de la montée générale des fondamentalismes chrétiens dans le monde.
Trois lignes de force se dégagent de notre position dans ce débat et dans cette crise qui traverse plusieurs organisations de culture chrétienne et progressiste et au premier chef Développement et Paix mais aussi Caritas international et d’autres : 1) un minimum de transparence de Développement et Paix et des autres organisations s’impose pour que les citoyens canadiens soucieux de justice sociale dans les pays du Sud puissent influencer le débat qui a cours présentement dans ces organisations lesquelles sont en bonne partie soutenues et financées par ces citoyens ; 2) il nous importe que des travaux de recherche scrutent plus avant ces questions afin de mieux cerner cette planète religieuse qui s’est mondialisée en transformant de plus en plus l’univers de la coopération internationale ; 3) nous exprimons notre volonté d’ouvrir un espace de travail plus large qui permettra à tous, chercheurs, dirigeants, professionnels, animateurs de la solidarité internationale, de mieux cerner l’évolution en cours permettant ainsi de faire de meilleurs choix politiques et sociaux.
Les 50 signataires sont :
1. Yao Assogba, sociologue, professeur au Département de travail social, Université du Québec en Outaouais.
2. Gregory Baum, théologien, professeur émérite, Faculté Études religieuses, Université McGill.
3. Pierre Beaucage, professeur titulaire, Département d’anthropologie, Université de Montréal.
4. Pierre Beaudet, Directeur-adjoint de l’École de mondialisation et de développement international,
Université d’Ottawa.
5. Louise Bouchard, professeure de sociologie, Institut de recherche sur la santé des populations,
Université d’Ottawa.
6. Jacques L. Boucher, professeur titulaire, Département de travail social et membre du Centre de recherche sur les innovations sociales, Université du Québec en Outaouais.
7. Denis Bourque, titulaire, Chaire de recherche du Canada en organisation communautaire, Université du Québec en Outaouais.
8. Jacques Caillouette, Département de service social, Université de Sherbrooke.
9. Bonnie Campbell, titulaire, Chaire C.-A. Poissant sur la gouvernance et l’aide au développement Directrice, Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique, UQAM.
10. Omer Chouinard, professeur, sociologie et études de l’environnement, membre de Gestion des écosystèmes basée sur les communautés au Burkina Faso, Université de Moncton.
11. Yvan Comeau, professeur titulaire, École de service social, Université Laval.
12. Nicole Dallaire, professeure en travail social, Université de Sherbrooke.
13. Jean-Pierre Deslauriers, professeur associé, Département de travail social, Université du Québec en Outaouais.
14. Annie Devault, psychologue, professeure en travail social, Université du Québec en Outaouais.
15. Marie-Christine Doran, professeure en politique comparée, Université d’Ottawa.
16. Henri Dorvil, professeur chercheur en travail social et sociologie de la santé, École de travail social, UQAM.
17. Louis Favreau, sociologue, titulaire de la Chaire de recherche en développement des communautés, Université du Québec en Outaouais
18. Dominic Foisy, professeur au Département de travail social, Université du Québec en Outaouais.
19. Lucie Fréchette, directrice sortante, Centre d’étude et de recherche en intervention sociale et ARUC-ISDC Université du Québec en Outaouais.
20. Winnie Frohn, professeure, Département d’études urbaines et touristiques, École des Sciences de la Gestion, Université du Québec à Montréal.
21. Madeleine Gauthier, sociologue, professeure honoraire, Observatoire Jeunes et Société, INRS Urbanisation, Culture et Société.
22. Lionel-H. Groulx, professeur associé, École de service social, Université de Montréal.
23. Christiane Guay, professeure en travail social à l’Université du Québec en Outaoauais.
24. Christian Jetté, professeur, École de service social, LAREPPS, Université de Montréal.
25. René Lachapelle, théologien et doctorant en service social, Université Laval.
26. Gérald Larose, professeur, École de travail social, membre du LAREPPS, UQAM.
27. Gisèle Legault, professeure associée, École de service social, Université de Montréal.
28. Jean-Frédéric Lemay, docteur en anthropologie, chercheur en évaluation de programmes internationaux, JFL Consultants.
29. Charmain Lévy, professeure en sciences sociales, Université du Québec en Outaouais et présidente de l’Association canadienne des études en développement international.
30. Ndiaga Loum, professeur, Communication, droit et science politique, Université du Québec en Outaouais.
31. Nuah M. Makungu, enseignant en sociologie du développement et de la coopération, membre du Laboratoire d’études africaines, Université d’Ottawa.
32. Richard Marcoux, Directeur de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF), Université Laval.
33. Réjean Mathieu, professeur associé, École de travail social, Université du Québec à Montréal.
34. Nathalie McSween, doctorante, sciences sociales appliquées, membre ARUC-ISDC, UQO.
35. Clément Mercier, professeur associé, Département de service social, Université de Sherbrooke.
36. Franklin Midy, professeur associé, Département de sociologie et directeur de l’Institut de coopération interuniversitaire avec Haïti, UQÀM.
37. Ernesto Molina, sociologue, chargé de cours, Université de Sherbrooke, professionnel ARUC Développement territorial et coopération.
38. Ricardo Peñafiel, politologue, chargé de cours, UQAM et chercheur au GRIPAL (Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique latine).
39. Olga Navarro-Flores, Professeure, Département Management et Technologie, ESG, UQAM
40. Martin Robitaille, professeur en sciences sociales, directeur de l’ARUC-ISDC, Université du Québec en Outaouais.
41. Stéphanie Rousseau, professeure, département de sociologie, Université Laval.
42. Marie-Andrée Roy, professeure au Département de sciences des religions, UQAM
43. Jean-François Simard, sociologue, titulaire de la Chaire Senghor de la francophonie, Université du Québec en Outaouais.
44. Moustapha Soumahoro, professeur adjoint, Département de géographie, Université Laurentienne.
45. Sid Ahmed Soussi, professeur, sociologie, Université du Québec à Montréal et membre de l’ARUC-ISDC.
46. Nancy Thede, titulaire, Chaire Nycole Turmel sur les espaces publics et les innovations politiques,
Université du Québec à Montréal.
47. Luc Theriault, professeur de sociologie, UNB-Fredericton.
48. Sylvie Thibault, directrice du Département de travail social, Université du Québec en Outaouais,
49. Yves Vaillancourt, politologue, LAREPPS, École de travail social, UQAM.
50. Florent Villeneuve, théologien, professeur retraité, sciences religieuses, Université du Québec à Chicoutimi.
[1] On notera parmi les 50 signataires Gregory Baum, théologien et sociologue de l’U.McGill, auteur d’un ouvrage majeur Étonnante Église, l’émergence d’un catholicisme solidaire (Bellarmin, 2006) ; Pierre Beaucage, anthropologue de l’Université de Montréal ; Pierre Beaudet, directeur adjoint de l’École de mondialisation et de développement international (Université d’Ottawa) ; Richard Marcoux de l’Université Laval ; Bonnie Campbell et Nancy Thède de l’UQAM ; Madeleine Gauthier de l’INRS Urbanisation, Culture et Société et Chairman Lévy, présidente de l’Association canadienne des études en développement international.
Louis Favreau
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50 scientifiques créent un collectif de recherche sur la coopération internationale en soutien à Développement et Paix25 juin 2011, par ceberger
Développement et Paix sert de prétexte à un affrontement de deux cultures du progrès humain. l’une fondé sur l’avoir et la domination et l’autre fondée sur l’être et l’interdépendance. Il serait intéressant d’appliquer à des analyses objectives les indices de progrès véritable élaboré par Harvey Mead sur des histoires de cas d’aide au développement socioéconomique de différents types ( dits de gauche ou dits de droite)qui intègrent les paramètres écologiques.
Charles-Eugène Bergeron