
Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes
C’est pendant la conférence internationale organisée par le mouvement coopératif (sous la coordination du CQCM) en 2010 que j’ai été interpelé par un dirigeant de la CDEC de Québec qui me demandait pourquoi je n’utilisais pas dans ma présentation l’expression « entreprises d’économie sociale » pour parler des coopératives. L’année précédente, le réseau des organisations communautaires de la région métropolitaine (le RIOCM en collaboration avec la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal) m’avait invité à parler de l’avenir du « communautaire ». D’autres panelistes de ce colloque s’attendaient à ce que je parle d’économie sociale comme voie d’avenir du « communautaire ». Ce ne fut pas le cas ! Le « communautaire » a son propre avenir tout comme le mouvement coopératif a le sien. De plus la question est revenue dans l’actualité car un débat a cours au sein de l’Institut de la statistique du Québec à ce propos pour savoir comment mesurer l’« économie sociale » dans l’économie du Québec ? Sans compter la consultation gouvernementale qui entoure le droit associatif relancée l’automne dernier mais qui tourne en rond depuis 2004. Trois dynamiques distinctes, une commune appartenance à un « tiers secteur ». Sans doute mais l’appartenance à un « mouvement social » est demeurée quasi-absente de cette discussion. Présentation de quelques repères pour en mesurer la portée actuelle après 10 ans.
Un peu d’histoire
Suite au Sommet du gouvernement sur l’économie et l’emploi (1996) et avec l’arrivée du Chantier de l’économie sociale (1999), le mouvement communautaire, contrairement à l’idée reçue du caractère fédérateur de l’économie sociale, s’organise alors en deux grands embranchements fort distincts : une composante d’« économie sociale associative » en émergence (entreprises dites d’économie sociale) avec le Chantier et une composante d’« organismes communautaires autonomes » avec le Comité aviseur de l’Action communautaire autonome [1]. Premier constat de cette période : la très grande majorité des organismes communautaires ne s’identifient pas et vont même refuser de développer une identité liée à l’économie sociale. Le Comité aviseur va plutôt revendiquer (on est en mars 2000) « la reconnaissance de la spécificité de l’action communautaire autonome et un financement adéquat des organismes en appui à leur mission globale » (Sotomayor et Lacombe, 2006 : 65-66). Le Comité aviseur gagnera son point de telle sorte que la politique issue de la consultation gouvernementale, pilotée par Gérald Larose (professeur invité en travail social à l’UQAM), qui sortira en novembre de la même année, en portera la marque :
Ainsi à la demande des différentes organisations de la société civile, le gouvernement en est venu à convenir de la spécificité des organismes communautaires autonomes, de celle des entreprises d’économie sociale et, enfin, de celle des coopératives. (Document de consultation sur l’action communautaire, Québec, 2001 : 14).
À partir de ce moment-là, une frontière relativement étanche s’est établie entre les organismes communautaires autonomes et les entreprises d’économie sociale en matière de financement public. Par exemple, le financement public du programme SOC (soutien aux organismes communautaires) du ministère de la Santé et des Services sociaux ne permettra pas de financer des « entreprises d’économie sociale » (des services d’aide domestique par exemple). Mais notons surtout que depuis ce temps la présence économique et sociale reconnue des organismes communautaires a cru assez fortement. En effet quelques années plus tard une étude confirme que ce secteur a franchi la barre des quelques 8000 organisations communautaires reconnues et disposant d’un financement public au sein desquelles on emploie 42,000 personnes à temps plein ou à temps partiel (Aubry et alii, 2005).
L’économie sociale, concept fédérateur : questionnée et questionnable à plus d’un titre
Pourquoi ces organisations refusent-elles l’identité de l’économie sociale ? Une première raison renvoie à la nature de ces organisations : les organisations de défense et de promotion de droits sociaux sont des associations dont la logique première est la mobilisation pour la justice sociale et la reconnaissance de droits pour des segments de la population victimes d’exploitation, de discriminations ou d’exclusions diverses. Exemples-type : des organisations de représentation des chômeurs, des groupes de logement, des groupes de citoyens aux prises avec des entreprises polluantes dans leur localité, etc.. Si la logique première relève de la justice sociale, alors l’activité économique qu’elles ont, lorsqu’elles en ont, est secondaire (création d’emplois, production d’un service sur le marché). Leur légitimité est d’abord et avant tout sociopolitique. Les fondements de leur action (et le financement public qui en découle) prennent appui sur l’importance de reconnaître l’existence et la nécessité de contre-pouvoirs dans une société comme assises indispensables à la démocratie. Toute l’expérience politique issue de la révolution américaine et théorisée par Tocqueville (1991) en passant par l’expérience de l’organisation communautaire des 50 dernières années aux États-Unis théorisée notamment par Alinsky (Quinqueton, 1989 ; Boyte,1981) fournit l’argumentaire qui justifie un financement public sur la base de leur mission sociopolitique et non pas sur la base de leur activité économique de service [2]. En ce sens, les regroupements sectoriels de ces associations réunis au sein du Comité aviseur de l’Action communautaire autonome ont vu le piège possible : leur appartenance à l’économie sociale, même pris au sens large, allait finir par induire l’exigence par les pouvoirs publics d’une imputabilité qui les lierait à leur solvabilité comme « entreprises » alors que ces associations sont plutôt des organisations d’intérêt collectif.
De leur côté, les organismes communautaires de services (dans le domaine de la santé physique, mentale ou des services sociaux, les Maisons de la famille, les Centres de femmes, les Maisons de jeunes, les Centres communautaires de loisirs, par exemple) ont une logique première de service à la communauté locale qu’elles desservent en se voyant confier, la plupart du temps, un financement de l’État qui leur confie en quelque sorte une mission de service public. Ces organismes évoluent de fait sur le terrain de l’intérêt général dont l’État ne prétend plus nécessairement avoir l’entier monopole. Le fondement de leur financement public réside très précisément dans leur mission d’utilité sociale reconnue en dernière instance comme service d’intérêt collectif et non pas dans la création d’entreprises à vocation économique produisant de nouveaux services.
C’est à ce titre qu’un financement leur est accordé : ces organismes, peuvent mieux remplir certaines fonctions que le service public : par leur proximité des usagers ; par la construction conjointe de l’offre et de la demande qu’ils rendent possible au sein de leur communauté ; par leur histoire de têtes chercheuses décelant plus rapidement que l’État les nouveaux besoins qu’ils savent traduire en demandes sociales. D’un côté, ils appartiennent à un « troisième secteur », ce qui permet de les différencier des organisations et entreprises du premier secteur (production de biens et de services dans le secteur marchand) et d’un 2e secteur (production de biens et services dans la sphère publique) (Jetté, 2008 ; Comeau, 2005 ; Lipietz, 2001 ; Vaillancourt, 1999). Ce « tiers secteur » génère comme les deux autres des emplois, produit des services et favorise, comme le second secteur, des transferts sociaux vers les communautés et les groupes les plus en difficulté. On veut bien ! Mais on n’a pas fait le tour du jardin pour autant : leur mission première qui est de mener des activités d’intérêt collectif dans leur communauté, activités en partie ou en totalité financées par l’État, ne commande pas l’exigence de la viabilité économique et ne les caractérise pas de façon principale. Cette approche issue de la sociologie économique qui inclue le « communautaire autonome » dans un « tiers secteur » purement économique ou dans le grand tout de l’économie sociale est minimaliste.
Elle sous-estime catégoriquement la dimension politique (faire mouvement) qui est première pour ce « communautaire autonome » c’est-à-dire tout ce qui a trait à l’identité collective, à la mobilisation d’un milieu, à la création d’un tissu social fort dans une communauté, à la création d’un rapport de force dans un contexte où persistent les zones de conflit avec les pouvoirs publics. Et elle ne tient pas compte de la volonté de nombre de ces organisations qui endossent la relation partenariale avec l’État à la condition qu’elle soit « libre, volontaire et non exclusive... » et qu’elle tienne compte de « la fonction critique de l’action communautaire autonome » (Sotomayor et Lacombe, 2006 : 70).
Dans le premier cas (organismes de défense et de promotion de droits) comme dans le second (organismes communautaires de services), il s’agit donc principalement d’une action communautaire autonome, au sens d’« infrastructures sociales », notion avancée avec justesse par le mouvement des femmes au moment de sa mobilisation de l’année 1995.
De leur côté, les coopératives et par extension les associations à vocation économique (OBNL) sont d’abord et avant tout des organisations dont la logique première consiste à produire des biens ou des services répondant à des besoins sociaux en s’assurant de fournir une base pérenne à leur entreprise. Il s’agit en quelque sorte pour elles d’être socialement utiles dans la viabilité économique. Un de leur principaux atouts de viabilité repose sur l’engagement citoyen qu’elles génèrent : 1) leur fonctionnement démocratique (leur gouvernance partagée comme a coutume de dire dans ces milieux) ; 2) la nature même de leurs objectifs car la maximisation du profit ne constitue pas leur point d’arrivée ni leur point de départ (les protégeant ainsi des impératifs tyranniques des actionnaires) ; 3) le patrimoine durablement collectif qu’elles génèrent (ce qui les met davantage à l’abri des délocalisations). Mais dans leur cas, des activités économiques générant des surplus sont primordiales : échouer comme entreprise viable économiquement équivaut à perdre son utilité sociale en dernière instance. En ce sens-là, ni la coopérative, ni l’association à vocation économique ne peuvent se définir comme contre-pouvoirs comme le font les organisations de promotion de droits sociaux. Ce serait de la part de ces entreprises à propriété collective une double erreur : 1) sur le plan économique parce que l’entreprise ne s’occuperait pas suffisamment de sa dynamique entrepreneuriale ; 2) sur le plan politique, parce que ces entreprises ne peuvent exercer leur rôle alternatif en étant sur la première ligne de la revendication mais bien en s’associant pour produire autrement.
Ce type d’« entreprise citoyenne », comme on l’a qualifie parfois avec raison, évolue en partie sur le marché public (les centres de la petite enfance ou les coopératives de services à domicile ou de santé en sont l’illustration par excellence) mais en grande partie sur le marché privé (coopératives agricoles, coopératives forestières, coopératives d’énergies renouvelables par exemple). Cependant, contrairement à l’idée reçue, leur perspective première est de fonctionner d’abord sur fonds propres plutôt que sur fonds publics en veillant à leur indépendance économique comme entreprises tout en s’inscrivant dans le développement d’un tissu économique collectif solide dans leur communauté ou leur région permettant ainsi de contrer les mouvements de délocalisation générés périodiquement par des multinationales qui n’ont aucune attache territoriale.
De la nécessité de bien distinguer les familles du « tiers secteur »
On aura compris que pour nous 1) l’économie sociale ne peut englober dans un tout indifférencié ces trois familles d’organisation ; 2) que la notion de « tiers secteur » ne se confond pas avec celle d’« économie sociale » et 3) qu’on ne peut lire ces pratiques avec la seule lunette économique d’un « tiers secteur » d’autre part. En synthèse, si on peut configurer ces trois pratiques sociales ou d’action collective du « tiers secteur » de la façon suivante : celle des coopératives, celles de l’action communautaire autonome et celle des associations à vocation économique. Le tableau qui suit en fait foi :
Indicateurs | Coopératives | Organisations communautaires | Associations à vocation économique |
---|---|---|---|
Objectifs | Coopératives : entreprises collectives de production de biens et de services évoluant tant sur le marché privé que public) | *Organisations offrant un service collectif dans des communautés ; *Organisations citoyennes mobilisant pour la justice sociale (droits sociaux) |
Associations à vocation économique (dites entreprises d’économie sociale) évoluant sur le marché public surtout |
Stratégie | Viabilité économique propre & finalité sociale | *Créer des services collectifs dans les communautés ; *Créer un contre-pouvoir démocratique & un rapport de force |
Action socialement utile & viabilité économique misant surtout sur un financement public |
Type d’action collective | S’associer et mobiliser pour entreprendre autrement :la dimension socioéconomique prévaut | *S’associer pour développer des services collectifs : la dimension sociale prévaut *S’associer pour revendiquer : la dimension sociopolitique prévaut |
S’associer et mobiliser pour réaliser une mission d’entreprise d’intérêt collectif : la dimension sociale prévaut par la mission de service public qu’on lui confie |
On comprend l’importance pour l’action communautaire autonome de ne pas vouloir trop mêler les genres. Car si on le fait, on impose, en dernière instance, à des associations de défense et à des organismes communautaires de services, des contraintes de financement public qui n’ont pas leur raison d’être car leurs activités ne sont généralement pas solvables ou ne le sont que très partiellement, ce qui ne veut pas dire évidemment socialement non pertinentes. La raison financière est certes la plus visible et la plus immédiatement évoquée. Mais une autre raison, plus forte, tend à prévaloir dans ces organisations : la valorisation d’une identité collective propre coure tout au long des 40 ans d’histoire de ce type d’action collective qui a émergé avec les premiers comités de citoyens à la fin des années 60. Le sentiment d’appartenance des coopératives à un mouvement depuis plus de 70 ans participe de la même dynamique [3]. L’association à vocation économique (capitalisant sur la notion d’économie sociale) est venue s’inscrire dans une stratégie de changement social qui complète les autres à la fin des années 90 seulement.
Tiers secteur et rapport à l’État
Sur le registre des rapports à l’État, dans le cas des organisations de défense et de promotion de droits, l’économique n’est vraiment pas la variable à prendre en compte, tandis que dans le cas des organismes communautaires de services, l’économique est une variable secondaire à considérer. Le point de tension permanent de ce type d’initiatives avec les pouvoirs publics demeure celui-ci : jusqu’à quel point une société peut-elle accepter, par son État, de les soutenir financièrement ? Dans le premier cas (les organisations de défense et de promotion de droits), le point limite relève de la seule maturité de la démocratie à accepter d’aller au bout de ses convictions à l’effet que la démocratie est faite de pouvoirs (des dirigeants élus périodiquement) mais aussi de contre-pouvoirs qui se concrétisent dans une société civile forte. Dans le second cas (les organismes communautaires de services), le point limite relève de la capacité de l’État à confier à d’autres sans les instrumentaliser des missions de service public et donc à concevoir que l’intérêt général ne relève pas seulement du service public et d’un État social. En ce qui concerne les coopératives et les « entreprises d’économie sociale », le financement public concerne moins leur viabilité économique à moyen terme que la part d’utilité sociale qu’elles remplissent. Le point de tension devient de savoir si la société préfère des entreprises collectives (coopératives ou associations), des entreprises publiques ou des entreprises de caractère privé dans différents domaines de la vie en société comme les services de garde à la petite enfance, la récupération et le recyclage, les services funéraires, la gestion des forêts, l’agriculture et l’agroalimentaire (production et distribution), l’édition de matériel scolaire, des services de proximité (station-service, quincaillerie, épicerie générale…), etc.
Avec ses législations et ses règles de financement public, l’État québécois conditionne évidemment de façon considérable le rapport entre les différentes familles de ce « tiers secteur ». Depuis une décennie, les pouvoirs publics au Québec ont reconnu le caractère spécifique des trois principales dynamiques en cause (Québec 2001) : celle de l’action communautaire autonome, celle des coopératives et celle des entreprises dites d’économie sociale. Cette reconnaissance s’est faite à la satisfaction relative des parties en cause qui ont ainsi maintenu leur légitimité, leur spécificité et leur source de financement public propre.
Les trois types de pratiques que nous venons d’évoquer peuvent certes être regroupées autour de la notion de « tiers secteur ». Ce n’est pas la trouvaille du siècle mais la notion est pertinente pour démontrer chiffres à l’appui (emplois, actifs…) qu’il y a, à côté de l’État et du secteur privé, un autre « pôle » de développement économique et social méconnu et sous-estimé. Mais sur le plan politique, cette notion perd de sa portée car elle gomme les spécificités, c’est-à-dire qu’elle ne rend pas compte de la dynamique sociale qui est derrière. Au Québec, ces notions de « tiers secteur » comme celle d’« économie sociale » ont connu du succès. Elles sont commodes, larges, ouvertes mais réductrices en même temps. En effet, l’identité va bien au delà des chiffres de l’emploi et des actifs de ces organisations. L’identité est un moteur d’action collective et un des fondements de la notion de « mouvement », notion plus riche de sens. Ainsi, par l’action communautaire autonome, on s’associe pour revendiquer, pour résister, pour éduquer et pour développer des services collectifs locaux, entre autres choses. On fait mouvement ! Dans les coopératives, on s’associe pour entreprendre autrement. On fait aussi mouvement mais de façon différente ! Mouvements sociaux et donc mouvement communautaire, mouvement coopératif, mouvement syndical, mouvement des femmes, etc. Voilà qui donne plus de sens et de perspective à l’ensemble de ces initiatives qui se démarquent dans nos sociétés par leur projet social, par l’identité collective qu’elles contribuent à construire et par leur opposition au capitalisme. Ceci étant dit le fait de bien distinguer les trois types de pratiques et d’organisations n’empêche pas la convergence des uns et des autres sur des enjeux spécifiques. Historiquement cette distinction des genres a bien servi le mouvement ouvrier (syndicats, coopératives, partis politiques de gauche) en offrant d’une part une garantie d’efficacité respective à chacun des embranchements et d’autre part des complémentarités, consenties ou non, dans le combat pour le développement d’un État social et la consolidation de la démocratie.
Quelques conclusions politiques
Des identités fortes sont nécessaires à toute action collective
La question « Pourquoi ne pas tous s’identifier comme entreprises d’économie sociale ? » comme certains la posent est, à mon avis, une provocation. Pourquoi ? Parce que les coopératives ont une identité propre qui s’appuie sur 70 ans d’organisation comme mouvement. Parce que les organisations communautaires fondent leur identité sur plus d’une quarantaine d’années. Pourquoi la notion d’« entreprises d’économie sociale » qui existent depuis une dizaine d’années seulement devrait-elle toutes les englober ?
Ces identités respectives se sont construites à travers des luttes particulières, des débats internes, des négociations spécifiques souvent ardues avec les pouvoirs publics, des filières d’accès aux ressources publiques différentes, etc. De plus chacune de ses identités ont donné lieu, au fil du temps, à l’organisation nationale de réseaux intersectoriels et régionaux : le Réseau québécois de l’ACA (RQ-ACA) pour l’action communautaire autonome, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) pour les coopératives et le Chantier de l’économie sociale pour les associations à vocation économique.
Ce refus des identités respectives (et ce qui en découle en termes de reconnaissance mutuelle entre organisations de représentation) a amené des erreurs qui ont tendance à se perpétuer depuis une décennie. C’est ainsi par exemple que la demande faite au début de la décennie au
CQCM d’intégrer le Chantier de l’économie sociale en tant que secteur a constitué une erreur politique. Il était inopportun et assez maladroit de demander à une organisation qui existe depuis 70 ans et qui représente l’ensemble des coopératives et des mutuelles de se dissoudre pour renaître sous une autre forme, celle d’être un simple secteur de l’« économie sociale ». Dissolution dont les bénéfices, à tous les points de vue (politique, économique, culturel), apparaissaient hier tout comme aujourd’hui plus que douteux et sans doute beaucoup moindres que ceux nous renvoyant à la notion de « mouvement coopératif ». La proposition faite par le Chantier de l’économie sociale de dissoudre le Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ), coalition des réseaux de promotion de l’économie sociale dans les pays du Sud dont il était membre, est la dernière tentative - et du coup le même type d’erreur politique - à avoir eu lieu durant la dernière décennie (automne 2009). De même, on fait fausse route si on définit le mouvement communautaire, comme certains le font, en tant qu’« ancêtre » de l’économie sociale. Comme disent les écolos, la société, comme la nature, a horreur de l’uniformité ou, si l’on veut de la « monoculture ». Elle progresse dans la diversité.
À notre connaissance, le mouvement coopératif tout comme le mouvement communautaire autonome, ne se sont pas vidés de leurs ambitions historiques fondamentales dans la dernière décennie. D’autant plus que loin de représenter la partie congrue de cet ensemble, ces deux mouvements représentent plutôt la partie la plus substantielle de « tiers secteur » : en premier lieu, grosso modo, 75% des entreprises collectives sont des coopératives. Si, bien entendu, la viabilité économique d’une part, veut dire quelque chose c’est-à-dire des emplois durables (90,000 emplois) et des actifs. D’autre part, si leur présence sociopolitique avec un statut juridique obtenu (et souvent maintenu à l’arraché à travers l’histoire) de même que l’appartenance de ces coopératives à des fédérations et à un Conseil les réunissant toutes, veut dire quelque chose. De leur côté, les organisations communautaires autonomes se reconnaissent dans le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (pour plus de 4000 d’entre elles). Elles ne se définissent pas comme entreprises pour la très grande majorité, si on se fie aux trop rares recherches qui sondent les appartenances comme celle de Molina et Mercier (2009) mais bien comme organismes d’action communautaire autonome pour 60% d’entre elles, comme organismes communautaires évoluant sur un créneau spécifique (15%), comme groupes d’entraide (6%), comme organismes communautaires avec un volet d’économie sociale (9 %) mais très rarement comme des « entreprises d’économie sociale » (moins de 4%). Tout cela en dépit des effets d’annonce médiatique porté par la notion d’économie sociale.
Les notions que l’on utilise : nommer, au plan scientifique, c’est prendre position !
Nommer, c’est prendre position ! Dans le choix d’une notion, il y a un jugement, une comparaison, une évaluation et, bien sûr, la possibilité d’un désaccord. Dans ce sens, nommer 150 ans d’histoire des coopératives et des mutuelles à partir du seul prisme de l’« économie sociale » (Lévesque, 2008) sans prendre véritablement en compte celle de « mouvement » (les coopératives sont historiquement liées de façon très étroite au mouvement des agriculteurs et au mouvement ouvrier) constitue à notre avis un déni d’identité de ces organisations en tant qu’initiatives liées à un « mouvement social ». C’est aussi le cas lorsque le mouvement communautaire est tout simplement englobé dans l’économie sociale. Limites de la sociologie économique. Utilité des sciences politiques et de la sociologie des mouvements sociaux !
Faut-il par ailleurs mentionner la relativité de la notion d’« économie sociale » : elle est datée en France (1981) [4] et associée principalement aux coopératives, mutuelles et grandes associations. Tandis qu’au Québec, elle est, à la différence de la France, liée principalement à de petites associations à vocation économique issues d’un Sommet du gouvernement du Québec en 1996. De plus, au plan international, elle est géographiquement située dans l’horizon franco-latin (France, Belgique, Espagne). Les Italiens ne l’utilisent pratiquement pas, préférant celle de « coopératives sociales » pour nommer les organisations des dernières décennies. Dans les pays du Sud, les notions d’« économie solidaire » (en Amérique latine) et d’« économie populaire » (en Afrique de l’Ouest) l’emportent largement.
Ici il faut bien comprendre que l’« économie sociale » est ou peut être une appartenance seconde pour un certain nombre d’organisations et d’entreprises, ce qui est de plus en plus le cas du mouvement coopératif ici au Québec . Mais cela est devenu possible à partir du moment où les coopératives et mutuelles ont pu être reconnues comme famille à part entière et s’y définir une place bien à elles (Favreau, 2010) en n’étant plus considérées comme un secteur particulier à côté de multiples autres secteurs.
La politique publique québécoise de reconnaissance et de soutien à l’action communautaire : éléments de bilan
En 2009, un article de Deena White et de Lorraine Guay résume bien la chose. Même s’il est court, il en dit long (paru dans Relations, #731 de mars 2009 et repris dans L’état du Québec 2010). Pourquoi ? Je les cite d’abord :
La PRSAC est une politique sans précédent dans le monde. Elle se distingue des modèles existants entre autres par trois impératifs : 1) affirmer la spécificité des organismes communautaires autonomes par rapport à l’économie sociale et au mouvement coopératif ; 2) respecter l’autonomie des organismes communautaires en s’éloignant d’une complémentarité et d’un partenariat obligés avec l’État ; 3) privilégier le soutien à la mission comme mode de financement le plus susceptible de favoriser l’émergence d’une participation citoyenne… (État du Québec 2010 : 373).
Nous roulons sur cette politique de l’action communautaire datée de l’an 2001 laquelle, on s’en souviendra, avait été précédé d’une large consultation. Politique sur laquelle s’appuie le mouvement communautaire autonome parce qu’il affirme « la spécificité des organismes communautaires autonomes par rapport à l’économie sociale et au mouvement coopératif ». Même s’il était plus indirectement concerné à ce moment-là, le mouvement coopératif avait plutôt bien reçu cette politique. Aujourd’hui de très nombreuses organisations (et les deux auteurs précités) considèrent cependant qu’elle est de moins en moins respectée, voire qu’il y a dérive technocratique (Jetté, 2008 : 329). Je ne peux qu’enregistrer mon accord avec les deux auteurs qui analyse le tout comme étant une « tendance lourde » à la dilution de cette politique et à l’« instrumentalisation » des groupes. Ajoutons donc à cela que la réflexion en cours à l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), portée par un groupe de chercheurs en économie sociale de l’UQAM, doit prendre fait et acte de cette politique et des trois dynamiques qui ont cours. Et donc, nous semble-t-il, offrir la garantie de mesurer de façon distincte les trois choses.
Pour en savoir plus
Sur l’action communautaire, les coopératives et l’économie sociale au Québec
Aubry, F. et alii (2005), Pour que travailler dans le communautaire ne rime pas avec misère. Co-publication CFP et Relais-Femmes, Montréal, 86 pages.
Bourque, D., Y.Comeau, L.Favreau et L.Fréchette (2007), L’organisation communautaire, PUQ, Québec.
Favreau, L. (2008), Entreprises collectives, les enjeux sociopolitiques et territoriaux de la coopération et de l’économie sociale, PUQ, Québec.
Favreau, L. (2010), Le mouvement coopératif, une mise en perspective. PUQ, Québec. Voir le chapitre intitulé Les coopératives dans la construction d’une économie solidaire (pages 61 à 87).
Gouvernement du Québec (2001), Politique gouvernementale. L’action communautaire, une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec. Ministère de l’emploi et de la solidarité, Québec, 59 pages.
Jetté, C. (2008), Les organismes communautaires et la transformation de l’État-providence, PUQ, Québec.
Molina, E. et C.Mercier (2009), Portrait des organismes communautaires de Sherbrooke. CDC de Sherbrooke, Sherbrooke.
Sotomayor, E. et M. Lacombe (2006), Dix ans de lutte pour la reconnaissance, Comité aviseur de l’ACA, Montréal.
Sur les coopératives, les mutuelles et les associations (l’économie sociale en France)
Draperi, J.F. (2011), L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoires et démocratie. Dunod, Paris.
Draperi, J.F. (2007). Comprendre l’économie sociale, fondements et enjeux. Dunod, Paris.
Lipietz, A. (2001) Pour le Tiers secteur. L’économie sociale et solidaire : pourquoi et comment ? Éd. La Découverte/La Documentation française, Paris.
Quelques sites pour s’informer de l’évolution en cours
Site des Rencontres du Mont-Blanc (la tendance de gauche de l’ES française et son projet de création d’un Forum international de dirigeants de l’économie sociale) : https://www.rencontres-montblanc.coop
Site du GESQ (le groupe à l’origine d’initiatives québécoises diverses de coopération avec le Sud en matière d’économie solidaire). Bulletin électronique 6 fois par année : http://www4.uqo.ca/ries2001/gesq
Site du CQCM et des ARUC (ISDC et DTC) : site couvrant les coopératives dans le développement des territoires et la recherche de pistes de sortie de crise. Bulletin électronique 8 fois par année : http://www.projetdesociete.coop
Site de la Caisse d’économie solidaire Desjardins : site d’une caisse d’économie devenue avec le temps le principal partenaire financier de quelques 2500 organisations communautaires, coopératives, associations à vocation économique, associations culturelles et syndicats : http://www.caissesolidaire.coop
[1] Le Comité aviseur de l’ACA devient le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) fin 2007. Il sert de réseau national et d’interlocuteur auprès des pouvoirs publics pour une soixantaine d’associations sectorielles regroupant plus de 4000 organisations.
[2] Voir à ce propos le texte d’Y. Comeau sur l’approche sociopolitique dans Bourque, Comeau, Favreau et Fréchette (2007).
[3] Si on prend pour critère la création d’une organisation nationale qui réussit à réunir tous les secteurs où existent des coopératives. Le CCQ a pris forme en 1940 et est devenu il y a quelques années le CQCM. L’origine est encore plus lointaine et remonte au 19e siècle. L’appartenance à un mouvement est aussi internationale : l’Alliance coopérative internationale (ACI) regroupe plus de 200 organisations nationales provenant d’une centaine de pays (Favreau 2010).
[4] Notion apparue au début du 20e siècle en France, elle est tombée en désuétude pendant plus de 75 ans.
Louis Favreau
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Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes5 mars 2012, par Martine Duperré
Mon cher Louis,
Depuis un peu plus de trente ans, j’ai été engagée dans la mouvance des mouvements communautaire, coopératif ou de l’économie sociale soit à titre professionnel (animatrice, agente de formation, organisatrice communautaire et j’en passe !) ou observatrice/participante ou chercheure. En fonction de ce que je connais de ces mouvements, je ne peux que te féliciter d’avoir mis en mot ces distinctions essentielles entre les mouvements dans ton article « Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes ». Je suis bien d’accord avec toi que de gommer les différences entre ces trois entités ne risque que d’affaiblir leurs identités et par conséquent leur capacité d’action collective, car il ne peut y avoir d’action collective sans identité… disait Melucci (1989), auteur que je reprends si souvent dans mes travaux (Duperré, 2002, 2004, 2008a, 2008b, 2009, 2010).
En effet, mes recherches m’ont amenée à comprendre combien les identités sont importantes « [....] parce qu’elles sont à la fois la source et le résultat de l’action collective. Elles en sont la source parce que les personnes partagent des identités sociales qui sont source d’oppression (Rubin et Rubin, 2001) et qu’elles sont en ce sens mobilisatrices ; elles en sont le résultat parce que dans les mobilisations, les individus agissent ensemble en définissant, à travers leurs interactions, le sens de ce qu’ils font, c’est-à-dire une identité collective » (Duperré, 2009).
Je reprends ici la définition de l’identité de Melucci (1989) qui dit que l’identité collective doit être considérée comme un processus qui implique au moins trois dimensions fondamentales qui sont en réalité étroitement liées. La première dimension est les membres du collectif doivent avoir la même vision des buts, des moyens et de l’environnement de l’action. La deuxième est l’activation de relations entre les acteurs qui communiquent, négocient et prennent des décisions. La troisième dimension est que les membres font des investissements émotionnels (réciproques ou partagées, c’est-à-dire face à une situation qu’ils vivent communément ou entre eux (Duperré, 2008b)), ce qui fait qu’ils peuvent se reconnaître dans les autres et ainsi provoquer un sentiment de « nous ». Ce sentiment de « nous » est propre aux acteurs collectifs et aux mouvements sociaux. Toujours selon Melucci (1989), une faiblesse ou une cassure dans ce processus de construction rend l’action impossible. Ce constat a aussi été repris par Smithey (2009).
En 2002, j’ai défini l’identité comme le résultat d’un processus de construction interactif par lequel des cadres, des schèmes mentaux, plus ou moins conscients, sont élaborés pour permettre d’analyser et d’interpréter la réalité, et d’orienter l’action. Cette définition souligne deux dimensions importantes, soit celui des cadres - ou des perceptions sur les buts, les moyens et l’environnement de l’action si on veut – qui doivent être commun dans le collectif et l’importance des relations pour la construction de ces cadres. Ces interactions se produisent entre les membres de l’acteur collectif, mais aussi en relation avec ce qui se passe dans son environnement.
Je reviens à ton article. Tu montres bien qu’ils ont des cadres différents et qu’ils évoluent dans des environnements bien différents. En effet, ils ont des objectifs, des stratégies et des types d’action collective différente. J’ajouterais que les interactions que ces acteurs ont avec des entités différentes (les autres acteurs, dont les instances gouvernementales, par exemple) font en sorte que leurs identités se construisent nécessairement de manière différente. Smithey que je citais plus haut dit même que les choix tactiques et stratégiques sont étroitement liés à la construction de l’identité collective. Ces trois acteurs que sont les mouvements communautaires, coopératifs et de l’économie sociale évoluant dans des environnements somme toute différents ont à faire des choix stratégiques différents. Pour faire ce choix, ils discutent, ils interagissent et donc ils produisent une compréhension de leur contexte qui devient différent d’un acteur à l’autre.
J’ajouterai une autre chose, un acteur a une identité, mais il produit aussi une culture. À partir de plus d’une centaine de définitions différentes du concept de culture recensées par plusieurs auteurs, j’ai proposé en 2002, une définition de la culture qui fait la part belle à la spécificité de chaque culture qui est construite par l’ajustement au contexte externe ainsi qu’à sa transmission de génération en génération. Je mentionne cela pour appuyer encore ton analyse de la différence des mouvements dont tu parles. En effet, tu démontres bien que ces mouvements ont des histoires différentes, un vécu différent, qu’ils ont adopté des tactiques et des stratégies différentes. Tous ces éléments sont effectivement des explications du constat de la différence de ces mouvements.
J’aimerais terminer en disant que dans une recherche récente, j’ai pu me rendre compte que les organismes communautaires qui évoluent dans le champ de la santé mentale, ne s’identifient pas à la catégorie de l’économie sociale même s’ils ont certaines activités de ce type. Leur identité est plutôt de l’ordre du mouvement communautaire et du champ de la santé mentale.
Encore une fois, bravo pour ce commentaire qui très éclairant.
Martine
Duperré, M. (2002). Constitution des acteurs collectifs et dynamique de développement régional ; le cas d’une association régionale en santé et services sociaux. Université du Québec à Chicoutimi, Chicoutimi.
Duperré, M. (2004). L’organisation communautaire : La mobilisation des acteurs collectifs. Ste-Foy : Presses de l’Université Laval
Duperré, M. (2008a). Défis complexes et organisation communautaire : pour une meilleure théorisation du travail de mobilisation. Intervention, 128(Juin), 15-24.
Duperré, M. (2008b). La rationalité des émotions dans les processus de mobilisation collective. Service social, 54(1), 67-81.
Duperré, M. (2009). Facteurs et processus de constitution en acteur collectif : Une étude de cas dans le domaine de la santé mentale.
Duperré, M. (2010). Facteurs et processus de constitution en acteur collectif : une étude de cas d’une association de groupes de femmes.
Melucci, A. (1989). Nomads of the present. Philadelphia : Temple University Press.
Rubin, H. J., & Rubin, I. S. (2001). Mobilizing for collective action. In H. J. Rubin & I. S. Rubin (Eds.), Community Organization and Developement (3e édition ed., pp. 140-163). Needham Heights : Allyn and Bacon.
Smithey, L. A. (2009). Social Movement Strategy, Tactics, and Collective Identity. Sociology Compass, 3(4), 658-671.
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Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes19 février 2012, par Martin Van Den Borre
Bonjour Louis,
Merci pour cet article des plus intéressant. J’aime, entre autres choses, comment tu soulignes que l’importance de l’identité des organisations et les spécificités qui les nourrissent est fondamental pour comprendre comment, au fil du temps, elles se sont alignées en mouvements plus ou moins cohésifs. Je plaide aussi comme toi pour la diversité organisationnelle au sein du troisième secteur.
Toutefois quelque chose dans la description relative aux coopératives me dérangeais, mais sans qu’initialement je puisse mettre le doigt dessus. C’est en fait l’affirmation que ’’ni la coopérative, ni l’association à vocation économique ne peuvent se définir comme contre-pouvoirs comme le font les organisations de promotion de droits sociaux.’’ qui m’accrochait le plus.
En deuxième lecture je comprends que tu y souligne le caractère dabord utilitaire, lié à l’usage qui est intrinsèques au coopératives. À la base, les coopératives cherchent avant tout à répondre à un besoin. On y cherchent souvent à réduire leur rôle social à être sans cesse plus efficace économiquement. Le propos est vrai pour de nombreuse coopératives ou, tristement, la plus-value sociale est souvent faible (voir limité à la propriété collective inaliénable) et le pouvoir a depuis longtemps quitté le plancher des assemblées générales de leurs cellules de bases pour être concentré dans des organisations de deuxième ou de troisième niveau.
Mais je crois aussi qu’à l’intérieur du mouvement coopératif (personnellement je préfère dire les mouvements coopératifs) les coopératives de travail ainsi que certaines coopératives à partenaires multiples (ou dites de solidarité) constituent souvent des organisation où contre-pouvoir et économie vont de pair et ou l’identité première s’affirme à la base comme un outil ou un projet de transformation sociale et politique. Je réalise surtout, dans mon rôle d’accompagnateur et de conseiller en développement que depuis 10 ans on assiste à un nouveau militantisme au sein du mouvement qui contraste avec les coopératives qui constituent le ’’mouvement’’ et qui y détiennent le pouvoir.
Mon parcours au sein de la coopération du travail, du commerce équitable et de la coopération de la santé m’amène à te soumettre quelques exemples d’ici et d’ailleurs :
D’abord pour illustrer l’identité militante de la coopération du travail je soumet l’exemple de la coop de travail Equal Exchange, ou j’ai eu l’honneur de servir comme administrateur durant 4 ans. Née il y a 25 ans en défiant un embargo présidentiel avec son fameux ’’café Nica ’’, elle a mis monde la première organisation coopérative de commerce équitable en Amérique du Nord. aujourd’hui Equal est toujours aussi résolument engagée politiquement. La rentabilité y est toujours bonne, et même en pleine crise économique elle n’hésite pas à prendre des risques économiques importants pour conserver sa pertinence socio-politique et se garder sur le qui-vive. Elle est, depuis les dix dernières années, à l’origine de nombreuses initiatives et entreprises, dont P6.coop, Oke Banana et Red Tomato.
Plus près de nous de nombreuses coopératives de travail ou de solidarité engagées dans le commerce équitable (La Tierra, La Siembra, Just Us, Planet Bean, Fibre Ethique,) font un travail essentiellement politique, en soutenant les mouvements paysans et indigènes. D’autres comme Le journal le Dominion, le dépanneur sylvestre, la coop bio paysanne, Cafés coopératifs sont également porteuses d’un projet plus large et plusieurs remettent même en question la façon de pratiquer la coopération.
Dans la coopération de la santé, le message de fonds passe difficilement à travers les tâtonnements et les maladresses évidentes de plusieurs coopératives, mais nombreuses sont les coopératives qui cherchent consciemment à fonder les assises d’un réseau collectif qui permettra peut-être d’endiguer dans 10 ou 20 ans la privatisation pure et dure du système publique. Au sein de certaines coopératives de santé des praticiens et des dirigeants réclament tout haut (et sont les seuls à le faire) le droit de collectiviser ou communautariser la pratique de la pharmacie et d’autres secteurs de la santé aujourd’hui réservé au secteur privé. Pour moi il n’y a pas de doute, les coops de santé dérangent parce qu’elles sont militantes - certaines économiquement de gauche, d’autres de droite mais la majorité sont militantes. Elles constituent sans doute la plus grande mobilisation qu’ait connu le mouvement coopératif depuis des décennies.
Les exemples sont nombreux de coopératives qui militent bien au delà de leur logique économique. En vérité la majorité des coopératives crées au Québec depuis 10 ans (postérieures aux vagues des CPE, des EESAD, de ressourceries, etc) ne sont pas représentées au sein des grandes structures coopératives, n’y ont pas de voix et souvent ne s’y reconnaissent pas, et ce même dans les secteurs organisés. Selon mon expérience plusieurs émergent avec des projets de société de plus en plus radicaux, ambitieux et explicitement politiques que les vagues précédentes.
Alors mes interrogations sont les suivantes Louis : La coopération est-elle réellement aussi homogène dans ses valeurs qu’elle apparaît sur ses dépliants promotionnels ? N’y aurait-il pas un besoin dans cette typologie d’une quatrième branche qui permettrait de regrouper ces coopératives plus ’’engagées’’ dont le noyau économique est soit moins lourd ou moins déterminant sur leur identité ?
Merci !
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Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes3 mars 2012, par Louis Favreau
D’abord Martin, merci de ton analyse et de tes réflexions que plusieurs peuvent être portés à partager assez spontanément dans différents milieux. Merci de développer la chose ! La plupart des gens qui m’écrivent m’envoient plutôt des courriels personnels. Ce qui m’encourage à continuer. Mais généralement ils ne prennent pas le temps d’expliciter leur pensée. Çà se comprend quand on est dans l’action au jour le jour et plus souvent qu’autrement en situation d’urgences à régler. Ceci dit, j’ai découpé ma réponse en trois éléments :
Premier élément
« Ni la coopérative, ni l’association à vocation économique ne peuvent se définir comme contre-pouvoirs comme le font les organisations de promotion de droits sociaux »Attention, je ne veux pas durcir le trait ! Mais un groupe de défense de droits fait de la revendication, est sur la première ligne de feu de la contestation en tant qu’organisation participant des contre-pouvoirs de caractère politique dans notre société, condition essentielle à la démocratie qui n’est pas faite que d’élections mais de cohabitation active entre institutions et mouvements. Par ailleurs, sur le terrain économique dans certains secteurs, les coopératives et ONBL sont un joli pied de nez (un contre-pouvoir économique) aux entreprises multinationales. Les coopératives forestières par exemple sont à faire un véritable virage écologique que les papetières ne font pas sauf quand ils sont forcées de le faire par des lois. Les coopératives funéraires font du travail semblable, elles qui ont bloqué l’avancement de multinationales américaines au Québec dans ce secteur, etc. Et à partir de leur contre-pouvoir économique, elles font du social (une économie autrement, le « autrement » ayant un contenu différent selon les secteurs, les régions, la génération qui les dirige…).
Deuxième élément
Les coopératives de travail ainsi que certaines coopératives à partenaires multiples (ou dites de solidarité) constituent souvent des organisations où contre-pouvoir et économie vont de pair…Le nouveau militantisme à la base et non dans le« mouvement »N’opposons pas la base et le sommet. Ce n’est pas l’approche la plus pertinente à mon avis ! Dans l’histoire des coopératives et dans la sociologie des ces organisations aujourd’hui, on voit que l’innovation n’est le monopole d’aucun secteur en particulier, ni des coopératives de dernière génération. Des exemples. En voici quelques uns :
1) Les pionniers de Rochdale en 1844 : une coopérative de consommation dans l’alimentation qui a innové en instituant une pratique dont on a pu finalement dégager des principes directeurs qui inspirent tout le mouvement à travers le monde depuis la fin du 19e siècle. Et ils sont régulièrement débattus et amendés à l’Alliance coopérative internationale (ACI). Le 7e principe sur l’engagement dans la communauté a émergé dans les années 90 par exemple. Celui de l’amender pour y introduire la variable du développement durable vient de surgir au sein de son dernier congrès à Cancun l’automne dernier ;
2) Les coopératives sociales italiennes qui ont inspiré nos coopératives de solidarité oeuvrent depuis plus de 30 ans dans le secteur de la santé et des services sociaux et donnent le ton aux autres coopératives de ce pays ;
3) Mondragon au pays basque espagnol s’est modelé sur un double mouvement : celui d’entreprises manufacturières (appareils ménagers) adossées à une caisse d’épargne et de crédit. Mais le secteur des coopératives de travail tel que développé à cette échelle, c’est l’exception plus que la règle !
4) Desjardins, en son temps, a été une innovation globale dans le secteur financier. Il réussit encore ici ou là sur une chose ou l’autre à se démarquer. À surveiller à cet effet : le Sommet international des coopératives qu’il organise en octobre prochain en collaboration avec l’ACI.
5) Dans le Sud, les coopératives innovatrices sont pour beaucoup dans l’agriculture écologiquement intensive. Elles sont soutenues par des mouvements coopératifs de pays du Nord. Voir à ce sujet mes articles dans le blogue Oikos sur
a) SOCODEVI en Bolivie : http://www.oikosblogue.coop/?p=9039
b) SOCODEVI au Guatemala : http://www.oikosblogue.coop/?p=10632En outre, les grandes coopératives peuvent aussi être innovatrices, notamment en contexte de crise écologique. Un bel exemple au Saguenay, Nutrinor tel que je l’ai raconté dans l’article suivant : http://www.oikosblogue.coop/?p=9893.
La coopération est-elle aussi homogène qu’elle le prétend ? C’est là une de tes questions. Ma réponse c’est non ! Pour chacun des cas précités, on peut toujours donner un exemple contraire. Mais à mon avis, il faut plutôt parler d’un mouvement traversé par différentes tendances et courants (plus de gauche, plus modérés…) et d’une capacité de transformation sociale qui est à géométrie variable avec les risques inhérents à tous les mouvements : cohabiter avec d’autres soit dans le cas des coopératives du secteur marchand avec le privé des grandes multinationales et risquer la banalisation ou cohabiter dans le secteur non-marchand avec le service public et risquer l’instrumentation. Mais n’est-ce pas le lot de tous les mouvements d’être traversés par différents courants (reconnaissance du pluralisme et démocratie obligent !) : le mouvement des travailleurs (syndicats), de la lutte sur les conditions de vie (organisations communautaires), celui des agriculteurs, celui des écologistes, etc… ? Et pour parler d’aujourd’hui, j’ai tendance à dire que le mouvement coopératif québécois est sur la pente du renouvellement : http://www.oikosblogue.coop/?p=9876 Et que le mouvement au plan international bouge aussi dans la même direction (voir mes 3 articles sur les Rencontres du Mont-Blanc dont celui-ci notamment) : http://www.oikosblogue.coop/?p=9642
Troisième élément
Les nouvelles coopératives, postérieures aux CPE, ressourceries, etc... ne sont pas représentées au sein des grandes structures coopératives
L’exemple qui contredit ton affirmation : les coopératives de santé que tu évoques comme étant militantes. Elles font partie d’une fédération du CQCM qui a créé un consortium autour de quatre secteurs : secteur de la santé ; secteurs des services à domicile ; secteur des services ambulanciers ; secteur des services aux OBNL. D’autres coopératives émergentes ne sont pas encore rendues au stade de se constituer en fédérations sectorielles mais sont constituées en réseaux et soutenues par le CQCM (cas des énergies renouvelables ; cas de l’agriculture biologique). Des coopératives multi-activités (épicerie générale, station-service…) sont inscrites au sein de la Fédération des coopératives alimentaires, d’autres pas. Çà peut dépendre de deux choses : le stade de développement et/ou les réticences de la Fédération qui est sévère sur les critères de viabilité économique. Mais les critères de viabilité économique, çà fait partie de la culture organisationnelle du mouvement coopératif davantage que de celle des OBNL nées dans le giron du mouvement communautaire évoluant dans les services de santé et de services sociaux et dont la culture de la subvention publique est forte. Historiquement, depuis les années 90, ce qui n’était pas été le cas avant la tenue des États généraux de cette période, le Conseil a une culture démocratique d’accueil, ce qui ne veut pas dire une culture de complaisance. Il y a des exigences.Louis F.
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Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes4 mars 2012, par Martin Van Den Borre
Bonjour Louis,
Merci de prendre le temps de me répondre aussi longuement. J’ai l’impression qu’on pourrait se parler longtemps. Tu semble ans le dire directement faire écho davantage au débat qui fait rage entre le Chantier et le CQCM plutôt qu’à ma question principale. Mais puisqu’on y est voici quelques réflexions.
Premièrement, je suis tout à fait d’accord sur le caractère innovateur de nos fleurons coopératifs tout comme de celui des équitables pionniers de Rochdale, de Modragon et les autres. Je suis loin de prétendre que l’innovation est réservée aux nouvelles coopératives ou aux coopératives de travail ! Nous reconnaissons tous le travail des fondateurs et en sommes souvent inspirés, comme nous le sommes par les bons coups des grands groupes coopératifs lorsqu’ils en font.
Tu soulignes aussi le virage écologiques fabuleux des coopératives agricoles du Sud. Tu as raison de le faire. J’ai eu la chance d’en être le témoin privilégié par mon travail en solidarité internationale au Salvador dans les années 90, puis au sein des mouvements équitable et biologique. Avec le labeur des centaines d’organisation équitables et écologiques et le soutien de milliers de consommateurs, d’investisseurs solidaires, de syndicats, de groupes religieux et d’entreprises familiales et capitalistes avant-gardistes nous avons soutenu en partie le virage économique politique et environnemental des producteurs paysans du sud. Le développement de ce mouvement fût le socle d’un des réveils coopératif les plus importants des dernières décennies, et il se poursuit à toute allure. C’est véritablement le réveil des géants.
Si la partie la plus importante et prometteuse de ce mouvement se passe d’ailleurs dans l’axe Sud-Sud, la réalité dans le Nord, c’est que pendant les années de développement intense du commerce équitable et biologique nous cherchions désespérément nos alliés dans le mouvement coopératif québécois et canadien. Pendant que nous refusions de vendre nos produits à Walmart et à certains autres grands groupes, nous nous voyions refuser (malgré les références dans les rapports annuels et les sites web) toute collaboration significative par les grandes coopératives agricoles québécoises et canadiennes en ce qui à trait à approvisionnement industriel équitable (malgré sa viabilité économique démontrée par les industriels plus innovateurs). En même temps nos réseaux finançaient leurs approvisionnement avec les coopératives d’épargne crédit Européennes – les acteurs d’ici étant incapable de mettre en place des outils adapté et à grande échelle, mais surtout réticents à prendre des risques.
Sur la question de la représentation je ne cherche pas à opposer la base et le sommet : une bonne partie de la base s’y reconnaît et y trouve sa voix dans ce sommet. Mais la réalité c’est qu’il y a des parties, et elles sont nombreuses, qui ne s’y retrouvent tout simplement jamais. Tu mentionnes les quelques exceptions de nouvelles coopératives invitées dans les ’’fédérations consortium’’. En fait, derrières les arguments d’efficacité et d’efficience soutenant cette approche fourre-tout, (qui offre, c’est vrai un soutien), les questions de la démocratie et de la représentation demeurent sans réponse satisfaisante. Il y a une vraie incohérence entre nos valeurs démocratiques et le fonctionnement de nos structures qui sont supposées les représenter dans un tel développement organisationnel.
Alors que le mouvement s’agrandit , se transforme et se diversifie pourquoi ne pas plutôt ajouter des chaises à la table et ouvrir la participation ? Et que fais-t-on des coopératives non fédérées ? Sans fédération ou confédération n’y a t-il point de représentation dans le mouvement ? Une coopérative qui choisit volontairement de ne pas adhérer à sa fédération est-elle exclue de l’APEX du mouvement ? Je pense que c’est normal de souhaiter un mouvement qui reflète mieux la diversité qui le compose et qui ose plus de démocratie. Dans notre mouvement il y a des exigences.
Ici aussi on a des géants qui dorment encore.Martin
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Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes8 janvier 2012, par Richard Nicol
Bonjour Louis,
J’ai beaucoup apprécié ton texte car il est clair et illustre bien les malaises qui ont été vécues ces dernières années.Si tu me le permets, j’aimerais apporter les commentaires suivants. Ils sont tirés de mon expérience dans plusieurs champs d’activités au Québec, de cette volonté de travailler globalement plutôt qu’en silo.
Comme tu dis, le tiers secteur ne peut être, selon la définition habituelle, confondu avec l’économie sociale. Le mot social fait-il défaut ? Le tiers secteur n’est pas que social mais toujours sans but lucratif…Pourquoi pas l’économie sans but lucratif tout simplement ? C’est sans doute la justification du Chantier pour tenter de monopoliser le tiers secteur.
Tu distingues trois dynamiques du tiers secteur : coopératives, action communautaire autonome et économie sociale. La question des dynamiques me semble fondamentale. Tu écris aussi identité, ce qui ajoute un plus essentiel au mot dynamique, une culture ?
Tu l’expliques bien, les organismes d’ACA ne veulent pas être associés à une entreprise et j’ai toujours été d’accord avec ce point de vue (c’est pourquoi, en France, puis au Québec, le mot solidaire est apparu. De deux façons : économie sociale et solidaire et économie solidaire. J’utilise toujours la deuxième pour les organismes d’ACA. Est-ce-que le réseau des entreprises de services domestiques à petit salaire est solidaire ? Seulement social à cause du statut juridique ?).
Pour revenir aux dynamiques, aux identités, il faudrait peut-être ajouter les associations à vocation artistique, les associations à vocation ethnique, les associations de loisir et les associations sportives. Où les placerions-nous ?
Les Journées de la culture, projet issu du sommet de 1996, sont-elles de l’économie sociale ? Pas pour moi. Mais elles ont bien un impact économique et social. Il est (devrait être) connu que les organismes artistiques et culturels, les compagnies sans but lucratif de ce champ d’activités, malgré certaines adhésions (stratégique$) au Chantier de l’économie sociale, ne se reconnaissent aucunement dans le concept de l’économie sociale. Au contraire, ils revendiquent une économie culturelle. Je partage aussi ce point de vue.
D’ailleurs, j’ai toujours dénoncé la définition du développement durable reposant sur les trois piliers suivants : environnement, social et économie. Il est fondamental d’y ajouter le 4e pilier : la culture. Dès 1988, dans le cadre de la Décennie mondiale de l’ONU du développement culturel (1988-97), sur la place de la culture dans le développement, j’ai défendu cette idée y compris pour les pays occidentaux. En 2012, les ONG de coopération internationale (enfin, ce qui en reste) n’ont pas véritablement entrepris d’y adhérer.En début 2000, il y a eu la création de Culture Montréal. J’en étais. Culture Montréal défend la place des artistes, des arts, de la création et de la culture dans le développement de Montréal.
Simon Brault, président de Culture Montréal, a participé de près à l’élaboration de l’Agenda 21 de la culture adopté le 5 décembre dernier par le gouvernement du Québec. Il stipule en outre que « la culture est un moteur de créativité, qui constitue une source d’innovation sociale et technologique, et favorise la croissance et l’emploi ». Simon Brault est-il pleinement satisfait du résultat ? « Pas totalement, parce que je souhaitais, comme d’autres, que la culture soit considérée au terme de l’exercice comme le 4e pilier du développement durable, à côté des piliers économique, social et écologique. Nous en sommes plutôt arrivés à faire reconnaître qu’elle constituait une dimension essentielle des trois autres. http://voir.ca/societe/2011/12/22/2011-selon-catherine-mavrikakis-hugo-latulippe-et-simon-brault-2011-annee-politique/Je suis curieux de savoir comment l’Institut de la statistique du Québec va traiter la question…
L’analyse pourrait se poursuivre pour les associations sportives, les associations de loisir, et les associations ethniques. Ce sera pour une autre fois. Disons simplement ici que le droit aux loisirs et aux vacances est bafoué et n’est pas perçu comme une priorité dans les silos de l’ACA, de l’économie sociale et de l’immigration. En 1984, j’ai rédigé une analyse : Le loisir, c’est rentable. À l’époque, il s’agissait simplement de sensibiliser les fédérations nationales de loisir (plein-air, culturel, socio-éducatif, sport, tourisme) à leur impact économique et social pour justifier leur financement. Peu de gens parlaient à l’époque d’économie sociale.
Pour être honnête jusqu’au bout, la réelle cause des malaises, au-delà des identités et des dynamiques, est sans doute à chercher du côté de notre fonctionnement en silo au détriment du développement et de la protection jalouse des sources de financement respectives. Par exemple, il n’y a pas grand monde qui imagine (ou est compétent pour) contribuer à l’intégration des nouveaux arrivants en favorisant la rencontre en région à travers un projet de vacances ou la participation à un festival populaire. D’ailleurs, qui le financerait ?
En terminant, je dois avouer ma préférence pour le chaos, la diversité des structures et des points de vue, accompagné par des chantiers communs de travail plutôt que le monopole d’une structure.
Au plaisir.
Richard Nicol
09012012 -
Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes7 janvier 2012, par Colette Fournier,Chicoutimi
Merci Louis
Ton texte distingue clairement le coopératif, du communautaire, de l’économie sociale.
Pour une politicologue qui a fait ses premiers pas dans le communautaire et qui a assisté d’un oeil éloigné à tous ces changements de la dernière décennie, cela est très éclairant.
Et vive la diversité !-
Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes23 juillet 2012, par Jessica
Super intéressant votre site, mais je ne comprend pas pourquoi vous n’allez pas plus loin ?
Je pense qu’il y a encore plus de choses à dévoiler sur ce sujet. En tout les cas vous avez un très jolie blog.
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Coopératives, action communautaire autonome et économie sociale : la dernière décennie confirme des dynamiques distinctes7 janvier 2012, par Jacques Fournier
Bravo pour cet article bien structuré et substantiel, Louis.
Il rejoint mes propos, plus succincts, dans un article publié dans la revue de l’AQDR
http://www.chronijacques.qc.ca/2011/08/l%E2%80%99aqdr-fait-elle-partie/
Le mouvement communautaire a besoin de l’éclairage de chercheurs comme toi.
Lâche pas !
Jacques Fournier
rédacteur en chef
bulletin électronique mensuel de l’AQDR