La question écologique est en voie de devenir, pour l’humanité, une question de vie ou de mort nous dit sans hésitation André Orléans, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris tandis que le dirigeant du mouvement communautaire et écologique du Pays Basque français Txetx Etcheverry nous dit d’emblée dans une formule choc : « La bataille du climat se joue maintenant, si on la perd, on perd toutes les autres ». De même « Il n’y aura pas d’emploi sur une planète morte » nous dit la Confédération syndicale internationale (la CSI) dont une partie des membres peuvent vivre une certaine inquiétude quant au sort réservé à leurs emplois lorsqu’ils sont fortement liés à des entreprises très polluantes...Elle dit aussi : « Pas de plan B parce qu’il n’y a pas de planète B ». De même le pape François affirme tout de go dans son encyclique qu’on ne peut concilier en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier, la préservation de l’environnement et le progrès économique. Question pour les prochaines élections au Québec : l’urgence écologique sera-t-elle suffisamment présente dans l’espace public ?
Relancer l’engagement politique citoyen
Le Québec traverse une période d’incertitude politique. « L’électorat est volatil » disent les sondeurs. En réalité, il est déçu, confus, déstabilisé. Les partis politiques eux-mêmes changent leurs programmes au gré des sondages et des scandales politiques. Aucun projet politique ne parvient à susciter la confiance et l’enthousiasme. Avec l’avènement d’une économie et d’une culture sans frontières, les convictions qui nous ont longtemps guidées sont brusquement remises en question : le nationalisme, le rôle social de l’État, la laïcité, le féminisme, l’immigration.
Même les militants syndicaux, communautaires ou écologiques sont désorientés. La délocalisation de l’économie et le démantèlement de l’État les forcent souvent à jouer aux pompiers et à se replier sur des cibles locales. Les courants extrémistes, à gauche comme à droite, créent un climat peu favorable à la liberté d’expression et au débat politique. Le fossé se creuse entre un Montréal cosmopolite qui a le vent dans les voiles et un Québec des régions méconnu qui ne cesse de se dépeupler et de s’appauvrir, entre la génération des baby-boomers qui a vécu la Révolution tranquille et la génération des milléniaux branchés sur le monde.
Ce désengagement politique généralisé est dangereux pour l’avenir du Québec. Il est urgent que ceux et celles qu’on pourrait appeler la « gauche citoyenne et démocratique » reprennent conscience de leur rôle et de leur force politique. Il faut relancer l’engagement politique citoyen.
Une lutte efficace aux changements climatiques au Québec exige la mise en oeuvre d’interventions majeures dans le domaine du transport, levier stratégique de la transition écologique de notre économie. Nos gouvernements ne semblent pas être à la hauteur. La classe politique accuse un retard immense. Et le rapport Godbout sur la fiscalité ne semble pas sur cette question venir aider. Examen de la bête par un économiste de l’IREC
Louis Favreau
Dans quelle conjoncture politique sommes-nous ? Le devant de scène est occupé par le terrorisme et le dérèglement climatique. Dans un premier temps, j’ai d’abord écrit un article pour la page Idées du Devoir paru le 29 décembre dernier portant sur la conférence de Paris sur le climat et sur les réfugiés victimes des conflits en cours et du terrorisme. Dans ce billet, je pousse plus loin la réflexion.
Dans plusieurs sphères de notre société, on a vu la consternation nous habiter suite aux événements de Paris. Puis il y a eu ce vif sentiment d’impuissance qui a gagné du terrain chez les uns et les autres. En réfléchissant un peu plus à ce propos, je me suis dit que nous étions en train de nous faire avoir par un devant de scène qui cache en fait une arrière-scène de centaines de milliers d’initiatives citoyennes de par le monde qui nous amènent dans une tout autre direction. Analyse d’une situation internationale inédite et de ce que nous pouvons faire pour continuer à changer le monde avec des repères nouveaux liés aux mutations du 21e siècle.
Le Canal Savoir vient de produire un documentaire sur Le Québec en panne d’histoire ? L’équipe de réalisation, Lloyd Pasqualetti et Lisa-Marie Lampron, a fait des entrevues avec une demi-douzaine de personnes, chercheurs et dirigeants d’organisations diverses parmi lesquels André Beaudoin d’UPA DI ; Éric Desrosiers, journaliste au Devoir ; Pascale Dufour, politologue ; Gérald Fillion, journaliste à RDI ; Pierre Fortin, économiste ; Stéphane Paquin, politologue et Louis Favreau, sociologue. Voici comme le projet de documentaire se présentait au moment de sa production au printemps dernier :
En cette époque regorgeant d’enseignements, nous assistons à une profonde remise en question de notre modèle économique. Jugée trop gourmande et peu efficace, la social-démocratie encaisse les critiques. Ainsi, le Québec emprunte progressivement la voie du néolibéralisme : compressions budgétaires, privatisation, dérèglementation… Mais au- delà des gymnastiques budgétaires : quel projet de société se dessine pour le Québec de demain ? Manquons-nous d’une vision collective ? Autrement dit : le Québec est-il en panne d’histoire ? À travers les analyses d’experts, de chercheurs ou de journalistes, les trois épisodes de cette mini-série documentaire alimentent le débat, et tentent de répondre à ces questions fondamentales pour notre avenir.
Ce billet complète ce documentaire disponible pendant tout l’automne du 5 octobre au 6 décembre. Voir le programme (en trois épisodes de 30 minutes) et l’horaire à l’adresse suivante : http://www.canalsavoir.tv/emission/quebec_panne_histoire
Et pour visionner avec votre ordinateur le dernier épisode qui porte sur les visions d’avenir de notre projet de société, on se rend sur le site Internet de Canal Savoir :
http://canalsavoir.tv/videos_sur_demande/quebec_panne_histoire/visions_avenir
La grande manifestation du 11 avril à Québec, la Marche Action Climat http://www.actionclimat.ca/ sera sans doute un moment fort du mouvement écologique pour forcer les pouvoirs publics à agir sur les changements climatiques. Dans la même direction mais par d’autres voies, au sein de la mouvance coopérative, mutualiste, associative et syndicale, un courant s’affirme depuis une décennie au Québec et dans le monde pour faire de la transition écologique de l’économie un impératif moral et sociopolitique.
Cette transition est au coeur d’un nouveau projet de société, au coeur de la construction d’un nouvel État social. Dans un premier billet sur l’État social (état des lieux), je faisais l’hypothèse qu’il traversait une étape critique de son histoire. Dans ce 2e billet, j’avance l’hypothèse que le 21e siècle sera peut-être le siècle d’une révolution écologique adossée à l’égalité sociale et à la transformation des dispositifs et des formes de la démocratie dans nos sociétés. Utopie ? Cela reste à voir ! Toutefois cela nécessitera d’intensifier la mobilisation – sur une longue période - pour inverser le rapport de forces actuel au Québec, au Canada et dans le monde. Quatre idées maîtresses guident ce billet : 1) la première concerne la mondialisation en cours qui profite surtout aux grands acteurs privés ; 2) la seconde porte sur l’écologie et la justice sociale comme socles d’un nouveau projet de société ; 3) la troisième a trait à l’économie coopérative et solidaire comme partie prenante de ce nouveau projet de société.
Comme il le fait depuis quelques années, le Centre canadien de politiques alternatives mesure le salaire moyen des dirigeants d’entreprise les mieux payés au Canada et compare ces derniers au travailleur canadien moyen. En 2013, dès le 2 janvier à 13h11, soit en un peu plus de 37 heures « d’activité », ces PDG avaient chacun déjà amassé une paie aussi élevée que le salaire annuel moyen des employés à temps plein. L’organisme a calculé que les 100 Canadiens les mieux payés avaient empoché en moyenne 9,2 millions $ en 2013, soit environ 25 pour cent de plus que ce qu’ils avaient gagné en 2008. En comparaison, le revenu moyen des Canadiens a augmenté de 12 pour cent de 2008 à 2013, pour se fixer à 47 358 $. En 1998, la rémunération moyenne des 100 patrons les mieux payés était 105 fois plus élevée que le revenu moyen des Canadiens ; en 2013, les PDG ont gagné 195 fois plus que le Canadien moyen.
L’investissement socialement responsable est plus souvent qu’autrement associé à des organisations (fonds en développement durable, institutions de finance solidaire, fonds éthiques...) qui dialoguent patiemment avec des entreprises en mettant de l’avant des demandes pour le respect de l’environnement et/ou le respect des normes internationales du travail pour ne donner que ces deux exemples. Mais l’investissement socialement responsable peut aussi être une mobilisation pour désinvestir de certaines multinationales. C’est notamment le cas dans le secteur très controversé des énergies fossiles. Notre collaborateur, l’économiste et sociologue de l’IREC Gilles Bourque, relate trois expériences internationales pertinentes à cet égard. Tout simplement instructif !
Louis Favreau
Nous sommes probablement à une étape critique de l’histoire de l’État social au Québec comme dans la plupart des États des pays du Nord d’ailleurs. La question qui est posée dans ce billet : serions-nous entrés dans une société de groupes d’intérêts au détriment d’un « vivre ensemble » où la mobilisation de la société civile et des mouvements sociaux compte significativement ? La seconde dans un 2e billet à venir sera : y a-t-il un avenir pour la social-démocratie au Québec ? Pourquoi ces questions ? D’abord parce que l’État québécois est entré dans la phase ascendante de sa politique d’austérité. Ensuite parce que les aspirations sociopolitiques des mouvements sociaux (leur participation à la réalisation de l’intérêt général) et de la gauche politique (son souci de justice sociale) au Québec comme à l’échelle de la planète sont aujourd’hui dépourvus de références pertinentes : le communisme, avec ses différents visages, longtemps la référence et l’espoir des pays du Sud tout en étant fortement présent dans nombre de pays d’Europe [3] , est tombé en désuétude tandis que la social-démocratie ne suscite plus guère d’enthousiasme dans les nouvelles générations [4]. Pendant longtemps, le mouvement ouvrier et le socialisme ont pris leur ancrage dans de vastes mobilisations populaires et dans des partis politiques adossés à des forces sociales. Les années 1930 ont été exemplaires à cet égard. Aujourd’hui, même si la social-démocratie relève pour bien du monde du passé, son équation de base a-t-elle pour autant perdu de son actualité ? Non s’il s’agit ici de repenser la solidarité, la justice sociale, l’efficacité économique et la démocratie. Ce qui suppose qu’on examine de plus près les groupes porteurs et donc qu’on jette un regard du côté du renouvellement des mouvements sociaux historiquement constitués ou émergents soit le syndicalisme, l’action des partis politiques de gauche, le mouvement coopératif qui a donné naissance aux entreprises collectives, l’écologie sociale et politique et le mouvement communautaire. Premier de deux billets sur l’État social.
On ne bâtit pas des alternatives au modèle économique dominant sans saisir la nature de la crise et les fondamentaux de l’économie dominante d’aujourd’hui. Quand un diagnostic est approximatif, les remèdes proposés risquent de l’être également. Il faut donc cerner de plus près l’organisation économique et sociale qui est la nôtre que certains nomment pudiquement une économie de marché et d’autres, de plus en plus nombreux, qui n’hésitent plus à nommer un chat un chat : le capitalisme. Suite du billet précédent