
Le commerce équitable, une nouvelle génération de développement local et d’économie sociale
Qui n’a pas, dans les dernières années, entendu parler de commerce équitable ? Au Québec, les ventes qui y sont liées sont en croissance constante. Il y a quelques années, les produits équitables étaient distribués presque exclusivement dans des boutiques spécialisées ou au sein de réseaux de militants. On les retrouve aujourd’hui dans la plupart des commerces de détail, les supermarchés et les épiceries.
La plus grande disponibilité et la hausse de popularité des produits équitables peuvent effectivement s’avérer de bonne augure. On peut penser que les consommateurs du Nord sont de plus en plus sensibles à l’éthique dans le domaine du commerce. Corinne Gendron de la Chaire de recherche Responsabilité sociale et développement durable de l’UQAM explique que le commerce équitable vit présentement une étape cruciale de son histoire : « Il faut être extrêmement vigilants pour que le commerce équitable ne perde pas sa raison d’être ». Le risque ? Que le commerce équitable distribue des produits à plus grande échelle mais cesse de remettre en question le système économique actuel en se bornant à tenter d’insérer les petits producteurs dans le modèle économique capitaliste. Le commerce équitable perdrait alors de vue son objectif de départ qui consiste à proposer une alternative viable au commerce international exercé dans le cadre de normes néo-libérales. Ainsi, l’importance du commerce équitable se situe moins dans la place qu’il occupe sur le marché que dans sa capacité à apporter des changements profonds des règles qui régissent le commerce et les échanges économiques entre le Nord et le Sud.
Pour l’heure, la majorité des petits producteurs prenant part à la filière équitable sont situés en Amérique latine. Malgré cela, le commerce équitable fait doucement son entrée en Afrique où un nombre grandissant d’organisations s’y intéressent. Les réseaux qui le portent sont en pleine structuration.
D’ici quelques années, plusieurs denrées portant le label équitable seront exportées du continent africain : arachide, coton, mangue, karité, cacao, etc. Déjà, des ONG de coopération internationale (CECI, OXFAM-Québec, SOCODEVI, UPA-DI…) en place sur le terrain ont misé sur des pratiques de commerce éthique afin de favoriser le développement. Leur rôle consiste surtout à offrir un appui organisationnel aux associations et groupes qui souhaitent se lancer dans la commercialisation de produits équitables. Elles sont aussi appelées à organiser des activités de formation et d’éducation aux principes du commerce équitable.
Cependant, pour les producteurs, les défis sont de taille. Puisque l’organisation des réseaux est à ses premiers balbutiements, on assiste parfois à des dédoublements de services ou à des manques de ressources. De plus, les prix liés à la certification sont souvent trop élevés pour de petits producteurs qui n’ont pas beaucoup de ressources économiques. Cela est sans compter la mise en marché, de même que le contrôle de la qualité qui sont des éléments qui demandent une certaine professionnalisation à laquelle les producteurs ne peuvent échapper.
Dans ce contexte, la rencontre de Dakar est importante car elle jouera un rôle primordial dans tout ce qui touche la diffusion des pratiques de commerce équitable en Afrique. Elle aura également pour fonction de mettre en réseau des producteurs latino-américains avec leurs homologues africains afin que ces derniers puissent bénéficier de leur expertise.
Si, pour certains, le commerce équitable se limite au café, nous savons maintenant que de plus en plus de produits sont vendus dans la filière équitable : que ce soit le thé, le sucre, les bananes, le coton ou le miel, tous sont distribués de façon à respecter certains principes de base qui permettent des échanges économiques plus justes et le développement durable des communautés.
En effet, en diminuant les intermédiaires et en payant aux petits producteurs un prix qui tienne compte des coûts de production, on favorise l’autonomie économique des communautés du Sud. De la même façon, le commerce équitable repose également sur des partenariats à long terme avec les producteurs du Sud. Cela leur permet de planifier la production et d’envisager la mise sur pied de projets de développement. Le commerce équitable exige des producteurs une gestion transparente et démocratique qui se réalise au sein de coopératives qui ont pour credo le respect des droits du travail. De plus, une partie de la ristourne sert à financer des projets de développement local. Cela a pour effet de permettre à la communauté toute entière de bénéficier des bienfaits des échanges équitables.
Texte qui a subi une légère mise à jour pour le carnet (janvier 2009). Le titre a été modifié. Petite synthèse rapide qui signale le lien existant entre les entreprises collectives et les mouvements sociaux à chaque époque. Pour en savoir plus, voir mon livre sur les entreprises collectives (2008).
Pour en savoir plus
Favreau, Louis (2003). Commerce équitable, économie sociale et mondialisation. Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités, Série Conférences, no. 9, Université du Québec en Outaouais, 18 pages.
Gendron, C. (2004), « Un nouveau mouvement socioéconomique au cœur d’une autre mondialisation : le commerce équitable », dans Favreau, Larose et Fall Altermondialisation, économie et coopération internationale, Presses de l’Université du Québec/Karthala, Québec/Paris, p. 158-183.
Lemay, J-F. (2004), Rapport exploratoire de recherche sur les pratiques économiques de commerce équitable au Burkina Faso et Sénégal, CRDC, Université du Québec en Outaouais, 113 pages.
Nez, Héloïse (2006). Coopération Nord/Sud et économie sociale : l’expérience de l’ONG ÉQUITERRE (1993-2005). CRDC, Série Pratiques économiques et sociales, no. 28, Université du Québec en Outaouais, 49 pages.
Louis Favreau
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