Carnet de Louis Favreau
Chaire de recherche en développement des collectivités (CRDC)

Économie verte, capitalisme vert : quelle partition l’économie sociale et solidaire jouera-t-elle à Rio+20 ?

mardi 7 février 2012 par Louis Favreau

Le Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ), la Caisse d’économie solidaire Desjardins et Fondaction tenaient, en collaboration avec les Rencontres du Mont-Blanc et plusieurs partenaires du mouvement coopératif (SOCODEVI, le CQCM, Desjardins de même que les forestières et les agricoles), un rendez-vous international en octobre dernier. Le thème : la planète n’y arrivera pas si on ne change pas de modèle ! Cette rencontre a donné lieu au dépôt d’une proposition d’engagements sociopolitiques concrets http://www4.uqo.ca/ries2001/gesq/ et à une invitation à en discuter en vue du Sommet de la Terre (Rio+20) et relativement aux prochaines élections québécoises (qu’est-ce les organisations de représentation politique de l’ESS ont à dire aux partis politiques et aux candidats des différents partis ?). La rencontre visait également à préparer la 5e édition des Rencontres du Mont-Blanc qui se tenaient du 9 au 12 novembre dernier à Chamonix. 30 dirigeants québécois de ces différentes organisations se sont donc pointés en France (à Chamonix). Chamonix a été dans le même sens.

Fin avril, la Caisse d’économie solidaire Desjardins et le GESQ tiendront conjointement un autre rendez-vous. Le thème : la transition écologique de l’économie au Québec et sur la planète. Cette thématique liée au développement durable est en montée dans une partie de l’ESS québécoise et internationale. Et cette montée n’épouse pas le relief du capitalisme vert tout en voulant cependant agir sur le terrain même de l’économie : une économie verte alternative au capitalisme. Autrement dit, il ne s’agit d’épouser uniquement une stratégie du refus en contestant les positions de l’ONU qui semblent se diriger dans le sens de confier les futurs investissements verts au secteur privé c’est-à-dire en bout de ligne surtout à de grandes multinationales (Michel Lambert d’Alternatives dans le cahier spécial du Devoir du 4 février. Il faut aussi réfléchir en termes d’alternatives économiques ici et maintenant. Exploration du cheminement en cours.

Un coup d’envoi international de l’ESS en direction de Rio+20 : les Rencontres du Mont-Blanc

Les Rencontres du Mont-Blanc réunissent depuis 2004 les dirigeants d’importantes mutuelles, coopératives et associations à vocation économique de la France et du Québec. Ces rendez-vous sont orientés entre autres vers la réalisation de projets économiques à l’échelle internationale, un certain nombre en direction de communautés de pays du Sud. C’est ainsi qu’ont émergé dans les cinq dernières années quelques 40 projets dont une dizaine sont rendus au stade de réalisations avancées. Mentionnons parmi d’autres, le Réseau international des fondations de l’innovation sociale, l’Observatoire international de l’économie sociale, l’Alliance internationale des logiciels libres mais aussi CoopEst, un outil financier pour le développement coopératif en Europe de l’Est, CoopSud, un outil pour des projets de coopératives d’énergies renouvelables en Afrique de l’Ouest, le projet de développement d’une filière de biogaz en Guinée, etc.

Fait nouveau, les RMB de 2011 ont pris un tournant plus explicitement sociopolitique et socioécologique à la veille du Sommet de la Terre qui marquera le 20e anniversaire de la Conférence de Rio de Janeiro sur l’environnement laquelle avait dessiné les contours de l’Agenda 21. Cette Conférence, nommée Rio+20, qui se tient du fin juin, propose de définir « une économie verte » dans un contexte où s’impose une double lutte, celle contre les inégalités sociales et celle d’opérer, à l’échelle des États du monde, un virage majeur en matière de réductions des gaz à effet de serre. Les promoteurs des RMB ont alors souhaité que cette 5e édition soit une occasion d’élargir la participation à des délégations d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie dans le but d’internationaliser l’organisation et son rayon d’action. Réussite sur les deux tableaux : le projet sociopolitique a passé l’épreuve de la délibération collective au terme de trois jours intensifs de discussion et l’internationalisation se manifeste par la transformation de RMB en Forum international des dirigeants de l’économie sociale (les RMB ne deviennent qu’une des activités de ce forum de dirigeants). Cette nouvelle organisation internationale sera reçue par les chefs d’État dans le volet Économie verte du dit Sommet.

Pas de surprise pour les participants du Québec ! La trame de fond des discussions de cette 5e édition rejoignait bien la rencontre québécoise d’octobre : 1) une remise en question globale interrogeant la nature de la crise (ce qui a changé depuis le premier Sommet de la Terre en 1992) ; 2) les coopératives, les mutuelles et toute l’économie solidaire considérées potentiellement comme une force de proposition et d’interpellation à l’échelle planétaire qui se distingue nettement du capitalisme vert.

Comment ? Par l’ouverture de grands chantiers (des priorités d’intervention) et des propositions concrètes pour aujourd’hui offrant la possibilité réelle (et non fantasmée) de sortir du modèle économique dominant. Un document d’orientation et un cahier de 20 propositions figuraient donc à l’ordre du jour de la rencontre de Chamonix comme de celle de Montréal. Ce nouveau Forum international de dirigeants de l’économie sociale fera donc de la représentation politique auprès des chefs d’État du monde au 2e Sommet de la Terre à Rio, avec une plate-forme politique de propositions dans ses cartons, propositions destinées aux États présents. C’est une première ! Il participera également au Sommet des peuples.

Tout cela n’a pas été sans débat : sur le terrain de l’environnement, les coopératives et l’ensemble des initiatives d’économie solidaire, ne sont qu’au début de leur entrée sur ce terrain devenu de plus en plus prioritaire. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’elles sont des entreprises à propriété collective et à contrôle démocratique affichant des finalités sociales qu’elles sont dispensées de sérieuses remises en question de leur mode opératoire face à l’urgence écologique d’aujourd’hui. Sur ce terrain, les alliances avec le mouvement écologique, l’attention aux préoccupations environnementales (par exemple, au Québec la résistance à l’exploitation du gaz de schiste et la construction d’une indépendance énergétique par les énergies renouvelables) et la prise en compte de l’urgence de protéger les biens communs constituent des avenues à examiner de près.

L’économie sociale et solidaire (ESS) : 10% de l’économie mondiale
Bien qu’il n’existe aucune statistique officielle sur le sujet, l’Organisation internationale du travail (OIT) estime que l’économie sociale, prise au sens le plus large, c’est-à-dire l’ensemble des coopératives, mutuelles, associations à vocation économique, initiatives d’économie populaire solidaire tels les Groupes d’intérêt économique en Afrique de l’Ouest…, pèse pour près de 10 % du produit intérieur brut (PIB), 10% des emplois et 10% de la finance au niveau mondial (Babekew Ashagrie, OIT, 2011, document interne). En son sein, 750,000 coopératives et mutuelles dont un certain nombre ont leur représentation politique exercée par l’Alliance coopérative internationale (ACI).

C’est un secteur non capitaliste de développement potentiellement appelé à rejeter les énergies fossiles et à travailler surtout au développement des énergies renouvelables. On dira que c’est peu 10%. Mais c’est beaucoup dans un sens car c’est une économie particulièrement bien enracinée dans des secteurs redevenus stratégiques avec la crise écologique : la finance, l’agriculture, la forêt et l’habitat. Finance pour aider la capitalisation d’une économie verte sur la base de critères qui ne soient pas orientés par l’appât du gain. Agriculture, forêts et habitat parce que les émissions de gaz à effet de serre dans ces secteurs sont particulièrement dommageables. Bref une partie de la transition écologique de l’économie passe par une agriculture écologiquement intensive, par l’aménagement durable des forêts et par l’efficacité énergétique des bâtiments. Çà ne se fera pas sans l’apport des coopératives et autres activités de l’ESS. La « biodiversité » entrepreneuriale peut faire la différence comme le démontrait Felice Scalvini du mouvement coopératif italien à la conférence internationale de Lévis à l’automne 2010. Notamment cela peut permettre d’endiguer la mainmise du secteur privé sur une économie appelée à opérer sa transition écologique.

Le problème qui demeure cependant entier est celui de faire mouvement au sein de cette ESS insuffisamment fédérée et dont l’influence sociopolitique ne correspond vraiment pas à son poids économique comparativement par exemple à l’influence que peuvent avoir les multinationales de certains secteurs (de la finance, du secteur des énergies fossiles comme les pétrolières, dans l’agroalimentaire…). Bref, l’ESS n’évolue pas nécessairement dans la même direction par la magie de partager les mêmes valeurs de base.

Cependant, nous tentons de démontrer ici, à partir de l’expérience des RMB, l’existence d’une gauche au sein de l’ESS (particulièrement en Europe et dans certains pays d’Amérique latine) qui est à la recherche d’une alternative au capitalisme, qui cherche à opérer un virage écologique et qui refuse la neutralité politique au nom de son développement d’affaires. L’objectif qui est poursuivi : « La consolidation de l’influence du mouvement coopératif sur la scène politique et économique mondiale » dit Suzanne Gendron, responsable de l’organisation du Sommet international des coopératives organisé conjointement par le mouvement Desjardins et l’Alliance coopérative internationale (Le Devoir, 4 février 2012). C’est dans cette perspective qu’il faut également suivre de très près l’évolution cet événement de l’automne prochain [1].

L’indépendance énergétique du Québec
Le Québec a-t-il ce qu’il faut pour sortir de sa dépendance aux énergies fossiles ? Oui il a tout. Démonstration.

  1. Nous disposons déjà de 50% d’énergies autres que fossiles : hydro-électricité (38%), biomasse (12%)
  2. Nous pouvons faire des bonds spectaculaires avec certains projets que nous avons déjà dans les cartons :



  • La biomasse forestière pour le chauffage des bâtiments publics du Québec.
  • Le transport collectif par un monorail électrique réunissant Montréal, Québec et les principales villes régionales comme alternative à l’automobile (IREC, 2010).
  • L’isolation des bâtiments par la géothermie et le solaire.
  • La gestion de la matière résiduelle (déchets) produisant un biogaz servant à alimenter taxis, autobus et camions (un secteur industriel de biométhanisation dans les principales municipalités du Québec)

Le coup de tonnerre d’un ancien premier ministre socialiste français, Michel Rocard

La très bonne surprise des RMB de l’automne dernier fut sans doute l’ancien premier ministre socialiste, Michel Rocard, qui donna son aval au document d’orientation des RMB en y dégageant quelques-unes de ses découvertes. « Si j’ai bien compris, vous voulez changer la donne mondiale avec l’économie sociale. Le projet est d’une ampleur mondiale, c’est un pas en avant considérable ». Et d’ajouter : « Une autre de mes découvertes fut de constater que vous voulez donnez sa chance à cette économie populaire du Sud, l’aider à grandir [2], elle qui fait vivre plus d’un milliard de personnes sur la planète ». Et puis « vous vous êtes pris à penser devenir alternatifs au capitalisme », à ce capitalisme qui laisse sur le bord du chemin « plus de 30% de la population mondiale affectée directement par le chômage, la précarité, la pauvreté ». Enfin, ajoutait-t-il, « après vous avoir un peu perdu de vue depuis 30 ans, je constate que votre capacité de proposition a fait un pas de géant ». Et d’inviter tous et chacun des 250 dirigeants présents venus de tous les coins de la planète à presser le pas étant donné l’urgence sociale et écologique actuelle. « L’état actuel du monde exige d’être des vainqueurs ». Rio+20 va peut-être être un échec car « le marché financier occupe tout le terrain par les temps qui courent ». D’où « le devoir d’offensive de l’économie sociale et solidaire, le devoir d’exprimer autre chose. Sa droiture et son efficacité sont là pour le démontrer ». Et de terminer en disant que le fond de la crise dont on ne parle jamais, c’est la précarité. « La pensée monétariste a effacé le travail comme référent premier de l’économie. Il faut le rappeler et se mobiliser à cet effet car la force syndicale ne sera pas suffisante à résoudre cette crise-là. Vous n’avez donc pas le droit d’être timides ni de travailler en solo chacun dans vos pays ».

Ces propos n’ont pas manqué de provoquer une longue ovation. En fait, il venait d’accréditer toute la démarche pour porter aux chefs d’États réunis dans le cadre de Rio+20 le message d’opérer un virage vert majeur en économie par l’ESS. Cette Conférence des Nations Unies n’annonce pas encore à ce jour une grande mobilisation des États, étant donné, dira-t-il, « la tendance de la plupart des gouvernements à se laisser dicter leur agenda et leur conduite par les agences de notation ». Ce sont néanmoins eux qui détiennent les clés d’une nouvelle régulation de la mondialisation. La mobilisation sur Rio s’impose donc avec plus de force aux mouvements sociaux. Les dirigeants des RMB, en commençant par ceux du Québec, s’y préparent donc intensivement.

Pour ne rien manquer des propos de MICHEL ROCARD, je vous suggère d’aller sur le site des RMB pour écouter sa conférence (30 minutes)

Les Rencontres du Mont-Blanc : des avancées politiques

Certaines rencontres internationales sont tellement bien planifiées que tout y est prévu dans le détail. Elles sont prévisibles. On se demande à la fin si l’évènement méritait le déplacement. D’autres ne sont que des mises à plat par des échanges sur les pratiques, ce qui fut le cas du FIESS l’automne dernier. Tout le monde y a retrouvé un peu son compte comme dans un grand centre d’achat cosmopolite plus qu’international : on visite des kiosques et des ateliers, on se fait quelques nouveaux amis et on consolide son lobby habituel. Mais on reste généralement sur sa faim en se disant : oui mais quelle analyse de la crise faisons-nous ? Quel horizon commun poursuivons-nous ? Quel projet commun se dessine-t-il pour la prochaine décennie ? Quelles propositions pour les dirigeants de nos États en matière d’économie ?

Çà n’a pas été le cas de la 5e édition des RMB car elle a eu ses moments forts appuyés par une ambition commune : endiguer le capitalisme, neutraliser son caractère dominant, penser des alternatives. En effet, la 5e édition s’est organisée de manière à dessiner les contours d’un projet sociopolitique et international : de grands chantiers prioritaires d’intervention et un cahier de propositions qui mettent en perspective dans un avenir pas trop éloigné les choses qui doivent changer. Cette 5e édition des RMB méritait donc vraiment le détour. Elle a fait la différence ! L’enjeu politique de Rio+20 favorisait cette remontée de pistes de sortie de crise sur tous les plans (économique, social et écologique).

Pour en savoir plus sur ces propositions et sur l’analyse qui les sous-tend, quatre références utiles :

  1. Favreau, Louis et Mario Hébert : le document d’orientation des RMB en conférence diffusé sur internet par Web TV coop (30 minutes)
  2. Favreau, Louis et Mario Hébert : le « power point » de ce document d’orientation en une quinzaine de diapositives
  3. Louis Favreau et Mario Hébert : le document d’orientation en texte (une cinquantaine de pages)
  4. Louis Favreau et Mario Hébert : un cahier de présentation de 40 initiatives à travers le monde en guise de complément au document d’orientation

Le marqueur écologique est en voie d’ouvrir une brèche dans le mouvement coopératif et dans toute l’économie solidaire

À la veille de Rio+20, les RMB avaient fait le bon choix : approfondir la dimension écologique tant dans son document d’orientation que dans le choix de conférenciers d’envergure. Parmi eux, Ignacy Sachs, Brice Lalonde, Michel Griffon. La 5e édition a donc aussi marqué des avancées sur le terrain de l’urgence écologique.

Ignacy Sachs, un vétéran du développement durable plaide pour une révolution verte et bleue

Ignacy Sachs, professeur émérite à l’École des hautes études en sciences sociales en France, est un vétéran du développement durable depuis 1972, année de la première Conférence des Nations Unies pour l’environnement à Stockholm. Homme de plus de 80 ans encore bien « vert », auteur d’un livre majeur, Stratégies de l’écodéveloppement, (1980), il nous plongera dans l’analyse des mutations en cours de la planète : « Avec Rio+20 en 2012, nous entrons dans une nouvelle ère géopolitique internationale puisqu’après la révolution industrielle qui a bouleversé radicalement la planète au 19e siècle, aujourd’hui, au 21e siècle, c’est la survie de celle-ci qui est l’enjeu crucial ». Et d’ajouter « Nous avons besoin d’une autre révolution verte, celle des pays du Sud, celle des petits producteurs, ce qui nécessite des réformes agraires (bien absentes du débat actuel) parce que celles-ci pourront véritablement favoriser l’accès à la terre ». Et cette nouvelle révolution verte va de pair avec la révolution bleue, celle de la pisciculture en eau douce, celle de l’horticulture intensive pour freiner la montée des eaux sur les rivages, celle qui pourra fournir une alternative à l’élevage intensif du bovin. De plus il faut miser sur les énergies renouvelables et rendre, par la coopération internationale, des fonds disponibles pour ces deux révolutions, la verte et la bleue. Donc, ne pas laisser la main invisible du capitalisme continuer son travail de sape. Utiliser plutôt les cinq doigts de la main : celle de la planification de cette double révolution (en demandant aux chefs d’État au Sommet de la Terre de Rio des plans nationaux et une reddition de compte sur ces plans aux 2 ou 3 ans) ; celle de la sécurité alimentaire ; celle de la sécurité énergétique ; celle d’une nouvelle géographie de la coopération internationale redéfinie par de nouvelles priorités ; enfin celle d’un modèle social démocratique.

Pour écouter la conférence d’IGNACY SACHS

Brice Lalonde, figure de proue du mouvement écologique international : faire contrepoids au lobby des grandes multinationales

Brice Lalonde, figure bien connue de l’écologie sociale et politique au plan international, est un des pionniers des Amis de la Terre en France dès le début des années 70, devenu aujourd’hui ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique pour la France depuis 2007. Militant écologiste, il fut secrétaire d’État puis ministre de l’Environnement de 1988 à 1992. Engagé pleinement dans la mobilisation sur Rio+20, il ira dans le même sens qu’Ignacy Sachs mais autrement : « Le Sommet de Rio, ce sera 194 pays et 50,000 personnes représentant des associations, des villes et cités, des syndicats, des entreprises…non pas surtout pour faire le bilan des 20 dernières années mais plutôt de voir ce que nous allons faire dans les 20 prochaines années. L’ESS y sera-t-elle ? Y serez-vous ? ». Et de signaler au passage que « pour la première fois, aucun État si puissant soit-il n’a le leadership. Les pays émergents ne veulent pas se risquer parce qu’ils pourraient perdre le capital de sympathie des pays les plus pauvres qui pourraient s’inquiéter. Les pays riches se neutralisent mutuellement. En fait, c’est plutôt, au plan de la géopolitique internationale, l’éclatement général ». Cependant il y a 660 soumissions (et 5000 pages de texte) en provenance d’États et de la société civile. Mais le risque viendra du monde des grandes multinationales, particulièrement les minières, les gazières et les pétrolières qui ne manqueront pas de peser de tout leur poids. La directrice du PNUD à Genève, également invitée des RMB, Céline Molinier, de renchérir dans son exposé : « vos cinq chantiers et vos 20 propositions sont excellentes. Vous réintroduisez notamment la dimension territoriale dans le développement, manière importante de contrer les menaces qui pèsent sur l’environnement ».

Pour écouter la conférence de BRICE LALONDE

Michel Griffon, agro-économiste : pour une agriculture écologiquement intensive

Michel Griffon, spécialiste international en matière d’agriculture, est venu dans un atelier sur les agricultures et le développement durable renforcer les propos d’Ignacy Sachs : « Il y a de 20 à 25 millions d’exploitations dans le monde qui font de l’agriculture industriellement intensive, ce qui représentent 30 à 40% de la production mondiale. Mais cette exploitation vit présentement une hausse des coûts de l’énergie, génère beaucoup de gaz à effet de serre, est dommageable pour la biodiversité et entre dans une phase de rareté » pour ce qui concerne les engrais (dont une bonne partie dépendent du pétrole) et pour ce qui a trait à l’eau (étant donné le changement climatique). La demande pour plus de viande ne fait qu’accentuer les besoins en terres (production de maïs et de soya) pour alimenter le bétail. C’est notamment le problème de la Chine. Si, de plus, on va vers la production d’agrocarburants parce que les terres agricoles et la forêt sont des candidats au remplacement du pétrole, on voit tout de suite se profiler le cercle vicieux.

« À côté de cette agriculture industriellement intensive, il y a deux milliards 400 millions de petits exploitants peu mécanisés, ne disposant pas d’un régime sanitaire adéquat, peu productive et dont l’enjeu est d’accroître leurs rendements » avec, en autant que faire se peut, des techniques dont les coûts seraient faibles et une production respectant l’environnement afin de rendre les terres plus fertiles. Griffon ne s’en cachait pas, « l’équation est très très difficile à résoudre » nous dira-t-il.

Avec la première révolution verte, l’agriculture industriellement intensive a sans doute amélioré le sort d’un certain nombre d’exploitants tout en diversifiant les produits pour les consommateurs des pays riches mais, aujourd’hui, c’est une agriculture polluante et une agriculture également laminée par le prix du pétrole appelé à devenir de plus en plus cher. L’option prometteuse est fondée sur l’écologie scientifique (pas l’écologie politique ou l’écologie romantique ajoutait-il un tantinet provocateur) : c’est l’agriculture écologiquement intensive.

Cette agriculture met à contribution les écosystèmes autrement. Par exemple, des insectes nuisibles à la production agricole peuvent être contrés par d’autres insectes qui en font leur proie. Ou encore le charbon de bois en poudre, lorsqu’il est réparti dans le sol, permet la rétention de l’eau et des nutriments. Bref une révolution biologique est en cours, laquelle permettrait d’abandonner le labour intensif et d’augmenter le capital fertilité dans les sols. Cette révolution biologique vaut tant pour les gros que pour les petits exploitants. Conditions : miser sur un investissement en main d’œuvre, investir en recherche et tabler sur une aide au développement initial. C’est la voie écologique par la recherche scientifique et par l’émergence de nouvelles techniques agricoles. L’autre voie est économique et concerne surtout les pays du Sud : restaurer la capacité de production alimentaire locale destinée aux villes plutôt qu’à l’exportation. Condition : restaurer la notion de politique agricole, qui équivaut, dans nombre de communautés du Sud, à faire véritablement la lutte à la pauvreté.

On peut le lire :

  • GRIFFON, M. (2006), Nourrir la planète, Éd. Odile Jacob, Paris.
  • GRIFFON, M. et F. Griffon, (2011). Pour un monde viable. Changement global et viabilité planétaire. Ed. Odile Jacob, Paris.
  • On pour aussi l’entendre (vidéo de 3 minutes) sur l’agriculture et le développement durable

Stimulée par de telles interventions, la direction des RMB se prépare donc actuellement à rencontrer les représentants des États à Rio en juin prochain. D’ici là, les partenaires québécois des RMB ne seront pas en reste : ils tiendront eux aussi des activités de préparation afin de favoriser la convergence autour des chantiers identifiés au Mont-Blanc. Au programme, le GESQ, conjointement avec la Caisse d’économie solidaire Desjardins, tiendra une université d’été à la fin avril 2012 sur ces thématiques. Avec l’espoir de créer des alliances ici et avec des partenaires du Sud. La partition que l’ESS jouera à Rio ne sera pas celle du capitalisme vert. Dossier à suivre en s’abonnant au bulletin du GESQ.

Pour en savoir plus :

Favreau, L. et E. Molina (2011), Économie et société. Pistes de sortie de crise. PUQ, Québec, 162 pages.

Gadrey, J. (2010). Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire, Paris, Éd. Les petits matins.

George, S. (2010). Leurs crises, nos solutions, Paris, Albin Michel.

Lipietz, A. (2009), Face à la crise : l’urgence écologiste, Paris, Ed. Textuel.

Thériault, N.(2011), Vers Rio 2012. La planète sera solidaire ou ne sera plus. Cahier spécial du journal Le Devoir, 15 et 16 octobre, 12 pages (une dizaine d’articles).

Articles brefs dans le blogue de la coopérative d’édition Oikos

Bilan de la rencontre internationale du 17 octobre

Économie solidaire et coopération Nord-Sud

L’année internationale des coopératives au Québec

Coopération québécoise et économie populaire en Bolivie

Économie populaire et développement durable au Sénégal

[1On aura noté, parmi d’autres, la récente position de la pdg de Desjardins Mme Leroux à l’effet que « les coopératives sont une alternative aux dérives du capitalisme » (Devoir, 29 octobre 2011). Voir mon article dans Oikos à ce propos

[2À ce propos, voir deux brefs articles dans le blogue Oikos faisant un court récit d’expériences dans ce sens en Bolivie et au Sénégal : http://www.oikosblogue.coop/?p=9039 et http://www.oikosblogue.coop/?p=8461


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